Paris (awp/afp) - La Commission européenne a présenté mercredi son projet concernant la mise en oeuvre de nouvelles règles censées garantir que les banques disposent des liquidités et réserves nécessaires pour faire face aux crises.

De quoi parle-t-on?

Des fonds propres des banques, c'est-à-dire des ressources (argent liquide, titres financiers) à leur disposition pour couvrir d'éventuelles pertes inattendues, si un nombre important de crédits ne sont pas remboursés par exemple.

Toutes les entreprises ont des fonds propres, mais ils sont particulièrement cruciaux pour les banques, qui contribuent à financer l'ensemble de l'économie et doivent pour cela rester solvables.

La faillite de la banque allemande Herstatt en 1974, qui a occasionné une crise sur le marché des changes à l'échelle mondiale, a ainsi fait prendre conscience des conséquences que pouvait avoir la défaillance d'un acteur, même mineur, sur un marché financier de plus en plus mondialisé.

Cela a conduit à la création d'une instance internationale constituée de superviseurs de différents pays, le "Comité de Bâle", afin d'établir des règles communes.

Le but? S'assurer que les banques disposent de suffisamment de réserves en cas de coup dur et éviter un effet dominos qui entraînerait l'effondrement du secteur financier.

Le comité est parvenu en 1988 à la première mouture des "accords de Bâle": ils prévoient que les banques présentes à l'international disposent de fonds propres représentant au moins 8% des crédits accordés.

L'importance de la couverture dépend du niveau de risque des crédits: concrètement, un prêt à un Etat n'exigera pas le même niveau de fonds propres qu'un prêt à une entreprise ou qu'un crédit immobilier à un particulier, car le premier a moins de risques de ne pas pouvoir rembourser.

Les accords de Bâle ont évolué avec les années. On parle aujourd'hui de "Bâle III", une nouvelle mouture en réponse à la crise des emprunts immobiliers à risque dits "subprime". Celle-ci, marquée entre autres par la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008, avait plongé la finance et l'économie mondiale dans de graves turbulences et montré que les grandes banques internationales n'étaient toujours pas suffisamment parées contre les aléas les plus graves.

Pourquoi cette nouvelle réforme?

Les normes établies par le comité de Bâle ne sont pas contraignantes: elles doivent être reprises dans des législations nationales. La proposition de Bruxelles donne le "la" pour les pays européens.

Plus que la quantité des fonds propres, il s'agit désormais d'améliorer leur qualité en s'assurant qu'ils soient facilement disponibles en cas de besoin.

Un autre enjeu de la réforme est l'évaluation des risques représentés par les crédits (et par contrecoup du niveau de fonds propres nécessaire pour les couvrir).

Aujourd'hui, deux modèles s'opposent. Les banques américaines évaluent généralement le risque d'un emprunteur en se fondant sur les données des agences de notation internationales, c'est le modèle dit "standard". Les européennes privilégient une méthode dite "interne", où elles font leurs propres estimations.

Cette seconde méthode a souvent l'avantage de réduire le volume de capital à mettre en réserve.

Mais désormais, même si une banque utilise le modèle interne, ses fonds propres ne pourront pas descendre en dessous de 72,5% du niveau exigé par le modèle standard. C'est ce qu'on appelle l'"output floor", ou "plancher en capital".

Ces nouvelles règles devaient s'appliquer progressivement à partir de 2023, pour prendre plein effet en 2028. Mais Bruxelles veut donner encore plus de temps aux établissements pour s'adapter et propose de retarder leur application de deux ans, à 2025.

Qu'est-ce qui coince?

Les banques européennes ont protesté contre la hausse des exigences de fonds propres qu'engendre la limitation de leur modèle de calcul.

Elles ont fait valoir que le modèle standard est davantage adapté au système américain où le crédit immobilier est plus risqué - et exige donc davantage de fonds propres - et où la majorité des PME se font noter par des agences. Ceci est beaucoup plus rare en Europe, où les PME se financent peu par le marché et ne prennent pas la peine de se faire noter.

Et selon l'approche standard, une entreprise non notée est considérée comme plus risquée et demande beaucoup plus de fonds propres.

La Commission européenne a estimé mercredi que les règles du crédit aux petites entreprises devraient rester en vigueur pour un certain temps en Europe, et veut ménager un régime particulier au financement des infrastructures.

Les établissements européens craignent également que les Etats-Unis, qui n'ont pas encore présenté les règles s'appliquant à leurs banques, ne reviennent pas sur certains points techniques qui avantagent aujourd'hui les banques d'investissement américaines.

afp/lk