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DUBAI/OTTAWA, 11 janvier (Reuters) - Des débris de l'avion d'Ukraine Airlines qui s'est écrasé mercredi près de Téhéran, tuant 176 personnes, ont été déplacés dans un hangar pour examen, a déclaré vendredi le gouvernement canadien, alors que les capitales occidentales soupçonnent qu'un missile iranien, peut-être tiré par erreur, a causé l'accident.

L'Iran, qui nie que le Boeing 737-800 de la compagnie ukrainienne a été abattu par un missile, a déclaré dans la journée vouloir lui-même télécharger le contenu des boîtes noires de l'appareil, une procédure qui pourrait prendre entre quatre et huit semaines.

Citant une source informée, l'agence de presse semi-officielle Fars a rapporté que les autorités iraniennes dévoileraient samedi les raisons pour lesquelles l'avion s'est écrasé peu après son décollage de l'aéroport de Téhéran, causant la mort de l'ensemble des 176 personnes à son bord.

L'accident a accru les pressions internationales contre l'Iran, sur fond de tensions croissantes entre Téhéran et Washington après que l'armée américaine a procédé le 3 janvier à l'assassinat d'un haut commandant iranien. L'appareil d'Ukraine Airlines s'est écrasé dans les heures qui sont suivi les attaques iraniennes menées en représailles contre des bases en Irak abritant des troupes américaines.

Téhéran a indiqué que l'aide de la Russie, du Canada, de la France ou de l'Ukraine pourrait être demandée dans le cadre de l'enquête, dont les conclusions définitives devraient être connues seulement d'ici un ou deux ans.

"Nous préférons télécharger le contenu des boîtes noires en Iran. Mais si nous constatons que nous ne pouvons pas le faire, parce qu'elles sont endommagées, alors nous demanderons de l'aide", a déclaré lors d'une conférence de presse le directeur de l'aviation civile iranienne, Ali Abedzadeh.

La plupart des victimes de l'accident, survenu alors que Téhéran était en état d'alerte maximal par crainte de frappes de l'armée américaine, sont des Iraniens ou des Canadiens d'origine iranienne.

"LE MONDE REGARDE"

S'exprimant vendredi soir lors d'une conférence de presse à Ottawa, le ministre canadien des Affaires étrangères a indiqué que le nombre de ressortissants canadiens tués dans l'accident avait été revu à la baisse, à 57 contre 63 auparavant.

D'après les informations dont il dispose, a ajouté François-Philippe Champagne, une partie des débris de l'avion ont été "déplacés dans un hangar de l'aéroport pour une reconstitution de la scène" de l'accident.

A la question de savoir quel degré de confiance pouvait avoir le Canada dans l'enquête menée par l'Iran, il a dit s'attendre à ce que le gouvernement iranien suive les protocoles en vigueur pour ce type de catastrophe.

"Le temps nous le dira et le monde regarde", a-t-il déclaré. "La communauté internationale attend de la transparence."

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait auparavant déclaré qu'Ottawa avait demandé à Téhéran, avec qui les relations diplomatiques sont rompues depuis 2012, de pouvoir entrer en Iran afin de fournir des services consulaires, d'identifier les victimes et de participer à l'enquête.

Deux visas ont pour le moment été attribué à des représentants canadiens, a précisé François-Philippe Champagne, ajoutant qu'une cellule de crise était en cours de création afin d'aider les familles des victimes.

Téhéran a annoncé après l'accident qu'il permettrait à des représentants du Canada, des Etats-Unis et d'autres pays de prendre part à l'enquête.

KIEV NE VEUT PAS DE SPÉCULATION

S'appuyant sur les renseignements des services canadiens et sur d'autres sources, Justin Trudeau a imputé le crash de l'avion d'Ukraine Airlines à un missile sol-air, tout en précisant que le tir iranien pouvait avoir été accidentel. Le porte-parole du gouvernement à Téhéran a dénoncé une "guerre psychologique" contre l'Iran.

L'aviation civile iranienne impute l'accident à une défaillance technique de l'avion, selon un rapport préliminaire communiqué moins de 24 heures après l'accident. Elle n'y précise pas la nature de l'avarie.

A Kiev, le président ukrainien Volodimir Zelenski a annoncé à l'issue d'un entretien téléphonique avec Justin Trudeau que l'Ukraine et le Canada allaient presser l'Iran de procéder à une enquête objective et approfondie de l'accident.

"Il ne doit y avoir aucune spéculation à propos de cette tragédie", a-t-il déclaré sur Twitter.

Le gouvernement ukrainien a dit envisager plusieurs causes plausibles expliquant l'accident de l'avion, parmi lesquelles une attaque d'un missile de fabrication russe, une collision, ou un acte terroriste.

Moscou ne voit aucun motif justifiant de blâmer l'Iran pour la catastrophe, a déclaré le ministre adjoint russe des Affaires étrangères, cité par l'agence de presse TASS.

Des représentants américains, canadiens et français devaient se rendre à Téhéran pour des réunions sur l'enquête, a rapporté la presse officielle iranienne.

Le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) a désigné un représentant pour l'enquête sur le crash de l'avion ukrainien, a annoncé vendredi un porte-parole de l'organisme français. (Steve Scherer et David Ljunggren à Ottawa, Alexandra Cornwell et Parisa Hafezi à Dubaï, Natalia Zinets et Pavel Polityuk à Kiev, Dominique Vidalon à Paris, Doina Chiacu et David Shepardson à Washington; version française Jean Terzian)