Il illustre également la difficulté de la banque mutualiste à constituer une présence solide en dehors de France, là où ses grandes concurrentes, BNP Paribas et Société générale en tête, ont constitué des réseaux pour absorber les chocs et tirer parti de la croissance lorsqu'elle reviendra.

Selon plusieurs sources proches du dossier, Crédit agricole a reçu au moins trois offres pour tout ou partie du périmètre d'Emporiki, cinquième banque de Grèce acquise en 2006 pour 2,2 milliards d'euros.

Le nombre de repreneurs identifiés à ce stade -les trois premières banques du pays (National Bank of Greece, Eurobank et Alpha Bank)- n'apporte pas réellement de marges de manoeuvre au groupe français, pressé par ses actionnaires de mettre fin à l'aventure hellénique au plus vite.

Le Crédit agricole a déjà engagé plusieurs milliards d'euros lors des recapitalisations successives d'Emporiki. Comme les autres banques grecques, l'établissement a dû faire face au défaut organisé d'Athènes sur une partie de sa dette publique et continue d'affronter une récession sans précédent.

Les exigences posées par le régulateur grec d'une recapitalisation et du règlement de la dette d'Emporiki par la banque française elle-même font craindre une nouvelle addition de plusieurs milliards supplémentaires.

La transaction devra en outre se voir apposer le visa de la Commission européenne au titre des aides d'Etat, un processus susceptible de prendre plusieurs semaines.

En 2011, Emporiki et des coûts de restructuration dans la banque de financement et d'investissement (BFI) ont fait basculer les comptes du véhicule coté de Crédit agricole dans le rouge pour la première fois depuis son introduction en Bourse fin 2001.

GREXIT

Le marché n'en a pas moins salué les récentes annonces de la banque française sur Emporiki.

L'action a gagné près de 5% depuis le 9 août, date à laquelle le groupe a confirmé avoir reçu des offres pour sa filiale grecque. Elle affiche toutefois une baisse de 4% depuis le 1er janvier après avoir perdu près de 54% l'an dernier.

Les analystes d'Exane BNP Paribas et de Natixis estiment même que l'action jouit d'un potentiel de hausse à deux chiffres dans les semaines à venir si une vente se concrétise.

"Crédit agricole va devoir payer pour quitter la Grèce, évidemment. Mais le dégagement d'actifs pondérés des risques et des pertes (associées à la Grèce, NDLR) améliore la solvabilité (...) Autrement dit, une perte avant impôts inférieure à 4,3 milliards d'euros (liée à Emporiki) améliorerait la solvabilité pour 2013", détaillent les analystes d'Exane.

"L'exposition de CASA à la Grèce reste un vrai frein à la performance boursière du titre en raison du risque de perte. En revanche, la cession de cette dernière constituerait un catalyseur pour le rebond de la valeur. La garantie 'Switch' a fortement réduit le risque d'une augmentation de capital", soulignent de leur côté les analystes de Natixis.

Pour respecter les normes prudentielles de Bâle III sans lever de fonds, le Crédit agricole a mis un place cette garantie 'Switch', un système de garanties croisées entre ses caisses régionales et son véhicule coté. En cas de baisse de la valeur des titres détenus par CASA dans ses caisses, celle-ci est indemnisée via un prélèvement sur un dépôt de garantie.

Comme BNP et Société générale, le groupe est également engagé dans un programme de cessions d'actifs. La banque a annoncé en juillet la vente d'un bloc de 20% dans CLSA, spécialiste du courtage en Asie, au chinois Citic Securities et négocie la vente de son bureau d'analyse Cheuvreux.

XAVIER MUSCA À LA RESCOUSSE

"Pour l'heure, le marché se concentre surtout sur la crise et Bâle III. Pourtant, en ne se positionnant principalement sur la France et l'Europe de l'Ouest, Crédit agricole va évoluer dans des pays à très faible croissance", prédit Tom van Kempen, analyste banques chez ING.

La sortie de la Grèce laissera Crédit agricole à la tête d'un réseau domestique en Italie -la banque y détient les établissements Cariparma, Friuladria et Carispezia avec près de 1.000 agences- et d'autres agences réparties entre l'Europe et le bassin méditerranéen dont le nombre est jugé insuffisant par les analystes.

Crédit agricole a réalisé 47% de son produit net bancaire hors de France l'an dernier, contre 60% pour BNP Paribas et 50% pour Société générale.

BNP et SocGen affichent des résultats nets supérieurs: 6,1 milliards d'euros pour le premier et 2,4 milliards pour le second en 2011 contre 812 millions pour la 'banque verte', caisses comprises.

Afin de combler son retard et étoffer sa présence dans la banque de détail, Crédit agricole a recruté en juin l'ancien secrétaire général de l'Elysée Xavier Musca au poste de directeur général délégué chargé de la banque de proximité à l'international, et prévoit d'ouvrir 350 nouvelles agences à l'étranger entre 2011 et 2014.

Le groupe pourrait également être tenté d'étudier de nouvelles acquisitions d'envergure pour accélérer le tempo. Une telle politique pourrait néanmoins prendre les actionnaires à contre-pied, le groupe ayant indiqué à plusieurs reprises privilégier la croissance organique dans les deux prochaines années.

Edité par Dominique Rodriguez

par Matthias Blamont