Paris (awp/afp) - Départ surprise de l'ancienne présidente du directoire Virginie Morgon, baisse des valorisations dans la "tech", comparaison peu flatteuse avec une année 2021 record... Eurazeo traverse une zone de turbulences mais a voulu rassurer le marché mercredi, lors de la publication de ses résultats 2022.

"Ce sont des bons résultats" pour une année "qui dans le monde de la gestion d'actifs n'a pas été une très grande année", a commenté auprès de l'AFP l'un des deux nouveaux présidents du directoire de la société d'investissement, William Kadouch-Chassaing.

La forte baisse du bénéfice net, 595 millions d'euros en 2022 contre 1,57 milliard l'année précédente, s'explique par une année 2021 "un peu hors norme" selon le dirigeant, avec davantage de cessions d'entreprises dont Eurazeo était actionnaire du fait d'une forme de rattrapage après une année 2020 atone.

Ce résultat est néanmoins meilleur que celui attendu par les analystes compilés par Factset et Bloomberg, qui tablaient sur un montant plus proche de 400 millions d'euros.

Ce moment de présentation des chiffres au marché est un baptême du feu pour le nouveau duo de dirigeants que M. Kadouch-Chassaing forme avec Christophe Bavière, après le départ surprise de l'ancienne présidente du directoire Virginie Morgon acté à l'issue d'un conseil de surveillance dans la nuit du 5 au 6 février.

"On a pu prendre très vite nos marques", explique M. Kadouch-Chassaing.

"Après un petit moment d'interrogation, les équipes se sont très vite remises au travail", continue-t-il, saluant "avec respect" le bilan de Mme Morgon, poussée vers la sortie par la famille Decaux, principal actionnaire d'Eurazeo.

Triple objectif

C'est le décès en juin 2022 du fondateur d'Eurazeo et ancien dirigeant de Lazard, Michel David-Weill, dont Mme Morgon était proche, qui aurait précipité le départ de cette dernière.

"La gouvernance d'Eurazeo était déjà fragilisée depuis la mort de M. David-Weill et la signature de pacte d'actionnaires moins contraignant en décembre 2022", souligne auprès de l'AFP Saïma Hussain, analyste chez Alphavalue.

La famille Decaux détient 18% du capital et 25% des droits de vote d'Eurazeo. La famille David-Weill possède autour de 10% du capital, aux côtés des familles Guyot et Solages, fondatrices de la banque Lazard et qui détiennent au total environ 15,5% des titres.

Le nouveau directoire doit "accélérer le développement des activités d'Eurazeo et déployer une stratégie performante et créatrice de valeur", déclarait le 6 février le président du conseil Jean-Charles Decaux, cité dans un communiqué.

L'objectif numéro 1 des nouveaux dirigeants est de "la levée de fonds", estime M. Kadouch-Chassaing, indispensable pour que la société continue de croître.

L'actif sous gestion s'affiche d'ailleurs en hausse de 10% sur un an: il était au 31 décembre de 34,1 milliards d'euros.

Les deux autres priorités sont de "continuer d'exécuter un plan de cessions qui sera probablement en ligne avec une année +normale+" et de "faire croître la marge de la gestion d'actifs", ajoute le président du directoire.

Corrections dans la "tech"

Valoriser ses sociétés en portefeuille n'est pas une mince affaire: les acquéreurs inquiets de l'environnement macroéconomique se montrent plus sélectifs et leurs conditions de financement sont moins bonnes.

Mme Hussain s'attend à une véritable reprise "fin 2023" pour Eurazeo qui devrait "pâtir d'ici là de l'environnement macroéconomique et géopolitique incertain".

La société d'investissement a dû par conséquent ajuster à la baisse la valeur dans ses livres des nombreuses parts des startups qu'elle détient.

Eurazeo est par exemple actionnaire de la plateforme de musique en ligne Deezer, du site de réparation et de revente de téléphones reconditionnés Back Market ou encore du spécialiste du paiement fractionné Alma.

Jugeant son approche "prudente", M. Kadouch-Chassaing affirme avoir appliqué "une décote moyenne de 23%" aux participations dont la dernière levée de fonds, qui fixait la dernière valorisation, "date un peu".

Eurazeo a prévu de verser un dividende de 2,20 euros par action au titre de 2022. Ce montant est en baisse de 27% par rapport à la distribution de l'année précédente, qui cumulait un dividende ordinaire et un dividende exceptionnel.

Un plan de rachat d'actions de 100 millions d'euros est également prévu.

afp/ol