Le saviez-vous ? En tant que citoyen français, vous êtes indirectement actionnaire de la chaîne de restauration rapide Quick, l’Etat ayant intégralement racheté cette entreprise en 2006 à une filiale appartenant au milliardaire Albert Frère. Alors forcément, chez Zonebourse, nous nous disions que c’était notre devoir, mais surtout votre droit, d’être informé des conditions d’acquisition, surtout lorsque celles-ci comportent certaines zones d’ombre. En janvier 2010, nous décidons donc de publier l'article « Albert Frère voit s’obscurcir le dossier de la vente de Quick à la CDCCI », relatant les rebondissements inhérents à la vente de Quick, via la rubrique « Les Barons de la Bourse ».

L’affaire Quick remonte à l’automne 2006. En novembre de cette année, au terme d’une OPA la GIB, une filiale appartenant au groupe d’Albert Frère (un milliardaire belge actionnaire de nombreuses sociétés du CAC 40 dont Total, Pernod-Ricard, Lafarge, GDF Suez) vend la chaîne de restaurants Quick à une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) pour 754 millions d’euros. La Caisse des Dépôts et Consignations, c’est en quelque sorte le « bras financier de l’Etat », l’organisme qui investit au nom de l’Etat et théoriquement dans l’intérêt général.

Nous sommes début janvier 2010 et chez Zonebourse, nous pensons que les propos de Jean-Marie Kuhn, un homme d’affaires lorrain qui s’est intéressé à la transaction, méritent d’être relayés. Il affirme à qui veut l’entendre que la CDC a acheté à un «  prix surévalué »  la chaîne de restaurants Quick à Albert Frère. Cette transaction reflèterait, selon lui, un acte de corruption, de favoritisme et de gaspillage de l’argent public dans la mesure où Albert Frère et Nicolas Sarkozy entretiendraient des liens d’amitié. Cette transaction aurait, en outre, permis à Albert Frère de disposer de liquidités suffisantes pour peser dans la fusion de Suez-GDF.

En décembre 2007, il commence par porter plainte en France contre X et contre Albert Frère pour « prise illégale d’intérêt », « escroquerie » et « abus de confiance ». Un mois plus tard, sa plainte est classée sans suite par le parquet de Paris ; Jean-Marie Kuhn, défendu par Maître William Bourdon, se tourne alors vers la justice belge et porte plainte en Belgique à Charleroi.

Alors oui, bien sûr, on s’est d’abord demandé pourquoi l’Etat français avait décidé de racheter 100% d’une société spécialisée dans les hamburgers. Mais au-delà de ça, nous n’avons pu nous empêcher, d’un point de vue strictement financier, d’approfondir le dossier. D’autant plus qu’entre temps, une instruction avait été ordonnée en Belgique suite à la plainte déposée par M Kuhn.

Pour nous, ce sujet a sa place sur un site d’information boursière tel que Zonebourse. Non seulement il est question d’un homme d’affaires que nous suivons régulièrement et qui détient des parts dans de nombreuses sociétés du CAC 40, d’autre part nos compétences en finance nous laissent penser que les propos de Kuhn, sans une seule fois les considérer comme véridiques, méritent au moins qu’on s’y attarde.

Ni une, ni deux, la société de droit belge Quick Restaurant et la Société Financière Quick se constituent parties civiles et attaquent Franck Morel (en sa qualité de directeur de la publication du site Zonebourse), la société Surperformance, le site Rue89 qui a également écrit un article à ce sujet ainsi que Jean-Marie Kuhn pour délit de diffamation. Elles estiment être personnellement diffamées en jugeant que leur sont imputés une « manipulation de résultats et des faux bilans dans un contexte de corruption, de favoritisme et de gaspillage de l’argent public pour satisfaire des intérêts privés » (jugement du 17/02/2011). Notons que l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 qualifie la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ».

Surpris mais bien décidés à faire valoir notre devoir d’information et notre droit d’expression nous préparons notre défense. Le procès se tient le 07 janvier 2011 au Tribunal de Grande Instance de Paris et dure six heures. Le 17 févier 2011, Franck Morel, défendu par Maître Hervé Banbanaste, est relaxé. Mais surtout, fait extrêmement rare : Quick est condamné à verser 3 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive. Rue 89 et Jean-Marie Kuhn sont également relaxés. Le 4 mars 2011 Quick fait appel.

Initialement, peu enclins à médiatiser une affaire qui nous a mené tout droit au tribunal pour diffamation, nous sommes restés discrets tout au long de la procédure. Nous sommes même restés silencieux sur notre victoire il y a quelques semaines. Ni article triomphal, ni communiqué de presse éclatant. Mais voilà Quick conteste la décision de la 17ème chambre correctionnelle. Indirectement, c’est l’Etat français et donc vous, cher lecteur, qui faites appel. Il nous semblait donc juste de parler de ce procès.

Gestion de nos portefeuilles réels en totale transparence, lancement du premier concours boursier réel entièrement transparent, création du premier outil de reporting de vos opérations boursières. Depuis dix ans la transparence et la proximité font partie intégrante des valeurs de Zonebourse. Fidèles à ces principes, nous avons décidé de vous informer de cette affaire en publiant nos principaux arguments de défense. Nous allons donc, chaque semaine, au fil des articles constituant ce dossier, vous apporter de façon extrêmement factuelle, tous les éléments nécessaires à la bonne compréhension de l’affaire.

Puisqu’en tant que Français nous avons tous, depuis 2006, des actions Quick en portefeuille, nous nous intéresserons à notre stratégie d’investissement initiale, aux conditions d’acquisition de nos actions, ainsi qu’à l’évolution et à la valorisation de notre investissement cinq ans plus tard.

Nous vous donnons rendez-vous lundi 11 Avril 2011 pour un second article. Nous vous expliquerons alors pourquoi cette affaire, déclarée d’ « intérêt général », méritait à nos yeux d’être relayée sur Zonebourse.com. Les semaines suivantes, nous nous attarderons sur le pourquoi d’une telle transaction. Quel était l’intérêt pour l’Etat français d’investir dans des sandwichs belges ? Enfin, s’il vous reste encore un petit creux, nous évoquerons le combien et reviendrons en détail sur les éléments liés à la valorisation de Quick.

Pauline Raud & Franck Morel