par Sam Cage

SWORDS, Irlande, 5 novembre (Reuters) - L'Irlande, qui sera le mois prochain le premier pays de la zone euro à avoir mené à bien son plan de sauvetage, profite de sa marge de manoeuvre économique retrouvée pour relancer le bâtiment, et plus largement la consommation.

Le taux de chômage y est supérieur à 13% de la population active et les dépenses de consommation ont été déprimées par des années de baisse de salaires et de hausse d'impôts à la suite de la crise financière de 2008.

Pour pouvoir maintenir un niveau d'endettement supportable, l'Irlande doit atteindre une croissance économique de 2 à 3% par an.

Pour y parvenir, le gouvernement a accordé un certain nombre d'avantages fiscaux au secteur du bâtiment dans le budget 2014. Il a en outre relevé la taxation de l'épargne pour inciter les ménages à consomme, notamment dans l'achat d'un logement.

Si le gouvernement mise avant tout sur le bâtiment et la construction, c'est aussi pour fournir du travail à un secteur gros pourvoyeur d'emplois, comme l'a souligné le ministre des Finances, Michael Noonan.

"Aucun secteur n'a été plus durement touché depuis 2008 et un retour à un secteur de la construction et de la promotion immobilière normalisé est nécessaire pour fournir des emplois aux milliers de chômeurs du bâtiment", a-t-il dit dans son discours de présentation du budget 2014.

"La manière la plus rapide de créer des emplois est de faire redémarrer la construction", confirme Jimmy Healy, de la Fédération du bâtiment et des travaux publics (CIF).

Au plus fort du "miracle" économique irlandais, le bâtiment représentait un quart du produit national brut (PNB). Sans revenir à ce taux, les économistes estiment qu'une part de 12% conviendrait. L'Irlande en est loin.

Selon l'agence des investissements publics Forfas, le BTP ne représentera que 6,4% de l'économie cette année.

Mais des signes de reprise sont là.

LES CORDONS DE LA BOURSE

A Swords, ville de 40.000 habitants proche de l'aéroport de Dublin, 20 logements tout neufs ont été vendus en deux jours en septembre, raconte Brian McKeon, responsable de MKN Property Group, le promoteur qui a construit le lot.

Des files d'attente des candidats-acquéreurs s'étaient formées trois heures avant le début des visites.

Le gouvernement compte sur des endroits comme Swords, bien desservis en transport et disposant de terrains à bâtir, pour relancer le bâtiment et la croissance.

Le redémarrage semble se faire d'abord par la capitale. Au niveau national, les demandes de permis de construire sont en baisse de 6% depuis le début de l'année et les mises en chantier ont reculé de 10%. Mais à Dublin et dans les environs, les demandes de permis sont en hausse de 12%, selon Link2Plans, qui compile les demandes déposées.

D'un point de vue boursier, cette reprise bénéficiera à des groupes de matériaux de construction comme CRH, Grafton ou Kingspan, qui ont réduit leur présence en Irlande depuis l'éclatement de la bulle immobilière et le plan de sauvetage de 85 milliards d'euros qu'a dû solliciter le pays auprès de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI) en 2010.

La reprise sera lente, mais soutenue, très différente du boom incontrôlé d'il y a une quinzaine d'années. Les prêts immobiliers sont toujours chichement consentis et des centaines de milliers de gens doivent encore rembourser des sommes supérieures à la valeur de leur bien.

C'est pourquoi, au-delà de la construction, le gouvernement tente d'inciter les Irlandais à dépenser plus en général.

Le gouvernement table sur une hausse de 1,8% de la consommation en 2014. Les économistes sont plus prudents et anticipent une hausse de 0,7%.

De fait, dans le centre de Dublin, magasins et pubs sont très fréquentés. Le groupe de distribution textile suédois H&M est en train d'ouvrir un magasin pour sa marque Cos. Certaines enseignes grand public déménagent pour plus grand.

"Ça s'accélère", note Danny O'Shea de chez Link2Plans. "Il y a des gens qui ont de l'argent. Il faut juste faire en sorte qu'ils desserrent les cordons de leur bourse et enclenchent à nouveau le mouvement." (Danielle Rouquié pour le service français, édité par Gilles Trequesser)