FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) va "légèrement" réduire ses achats d'obligations sur les marchés au quatrième trimestre, un premier pas prudent vers le retrait des mesures exceptionnelles mises en oeuvre pour soutenir l'économie de la zone euro pendant la crise du coronavirus.

Le succès des campagnes de vaccination contre le COVID-19 dans de nombreux pays européens favorise aujourd'hui le retour à la normale de l'activité économique, ce qui a conduit de nombreux responsables et analystes à plaider ces derniers mois en faveur d'un arrêt des soutiens.

Mais la propagation du variant Delta, aux Etats-Unis notamment, en freinant la normalisation de la politique monétaire de la Réserve fédérale, incite la BCE à la prudence: elle s'est gardée jeudi d'annoncer quand elle prévoyait de mettre fin au Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP) créé en mars 2020 et doté de 1.850 milliards d'euros, qui lui a permis d'empêcher une hausse des coûts du crédit sur les marchés.

"Ce que nous avons fait aujourd'hui (...) à l'unanimité, c'est calibrer le rythme de nos achats de manière à atteindre notre objectif en matière de conditions de financement favorable. Nous n'avons pas discuté de la suite", a expliqué sa présidente, Christine Lagarde, lors d'une conférence de presse.

Elle a souligné que la démarche choisie ne constituait pas un "tapering", un processus d'arrêt progressif des soutiens, et a renvoyé à la dernière réunion de politique monétaire de l'année, en décembre, le débat au sein du Conseil des gouverneurs sur l'arrêt définitif du PEPP et les suites éventuelles à lui donner.

Dans le communiqué publié auparavant, l'institution explique que "des conditions de financement favorables peuvent être maintenues avec un rythme légèrement plus faible d'achats nets d'actifs". Mais elle précise que ces achats continueront de se faire de manière "souple, en fonction des conditions de marché et dans le but d'éviter un resserrement des conditions de financement".

"Pour nous, la décision de réduire les achats d'actifs n'est pas un tapering mais l'annulation de l'augmentation des achats décidée en urgence en mars, qui suivait elle-même un épisode de hausse des rendements obligataires sur les marchés", a commenté Joe Little, responsable de la stratégie de HSBC Asset Management.

LES PRÉVISIONS ÉCONOMIQUES REVUES EN HAUSSE

Les achats réalisés dans le cadre du PEPP ont représenté autour de 80 milliards d'euros par mois aux deuxième et troisième trimestres.

Trois sources au sein de la BCE ont déclaré à Reuters que le Conseil s'était accordé sur un objectif de 60 à 70 milliards d'euros d'achats mensuels mais aussi sur la possibilité de les adapter aux conditions de marché. Un porte-parole de l'institution s'est refusé à tout commentaire sur ce point.

Le communiqué de politique monétaire réaffirme aussi que la BCE reste prête à augmenter ses soutiens en cas de besoin, un signe supplémentaire de prudence.

La banque centrale a pourtant revu à la hausse ses prévisions économiques pour la zone euro, disant tabler désormais sur une croissance de 5% cette année, contre 4,6% jusqu'à présent, et une inflation de 2,2%, contre 1,9%.

L'inflation devrait ensuite revenir à 1,7% l'an prochain et 1,4 en 2023, donc loin de l'objectif de la BCE fixé à 2%.

La banque centrale, a précisé Christine Lagarde, considère que la hausse des salaires reste modeste et que les goulets d'étranglement, qui favorisent la hausse des prix des matières premières et de certains équipements, devraient peu à peu se résorber.

Les achats de titres sur les marchés réalisés dans le cadre du Programme d'achats d'actifs (APP), plus ancien que le PEPP, restent fixés à 20 milliards d'euros par mois. La BCE a aussi maintenu ses taux d'intérêt directeurs, le taux de refinancement restant à zéro et le taux de dépôt à -0,5%.

En renvoyant à décembre les discussions sur la fin du PEPP, la BCE prend le risque de raccourcir le délai dont elle disposera pour préparer les marchés à une réduction plus rapide de ses soutiens.

L'arrêt du PEPP pourrait en outre accroître la dépendance de la banque centrale à l'APP, un dispositif plus contraignant que les membres les plus conservateurs du Conseil pourraient refuser d'assouplir.

L'euro n'a que brièvement profité de ces annonces: au moment de la clôture des marchés européens, il ne gagnait plus que 0,1% face au dollar à 1,1824 après un pic à 1,1841.

Sur les marchés obligataires, les rendements de référence de la zone euro ont nettement reculé, à -0,364% pour celui du Bund allemand à dix ans et -0,034% pour son équivalent français, qui était encore positif à mi-séance.

En Bourse, l'indice européen Stoxx 600 (-0,06%) a effacé la quasi-totalité de ses pertes du début de journée et le CAC 40 à Paris a fini en hausse de 0,24%.

(Reportage Balazs Koranyi et Francesco Canepa, version française Marc Angrand, édité par Blandine Hénault et Jean-Stéphane Brosse)

par Balazs Koranyi et Francesco Canepa