Londres (awp/afp) - La Banque d'Angleterre est intervenue dans l'urgence face à des "risques réels pour la stabilité financière britannique" en réaction aux turbulences sur les marchés déclenchées par le plan budgétaire dispendieux de Londres, vertement critiqué par le FMI.

"La Banque va effectuer des achats d'obligations gouvernementales à échéance éloignée" dès mercredi afin de "rétablir des conditions de marché normales", affirme la BoE dans un communiqué mercredi, précisant que cette "opération sera entièrement financée par le Trésor".

"Le mouvement du marché est exacerbé depuis hier et affecte particulièrement la dette à long terme. Si ce dysfonctionnement du marché continue ou empire, cela causerait un risque réel pour la stabilité financière du Royaume-Uni", a expliqué la BoE pour justifier son intervention.

Vendredi, le nouveau gouvernement de Liz Truss avait annoncé des mesures de soutien à l'économie et des baisses d'impôts très coûteuses.

Evaluées par les économistes à un montant de 100 à 200 milliards de livres, mais dont le financement et l'impact restent flous et non chiffrés par le gouvernement, elles ont semé le trouble sur les marchés.

Signal de la défiance des investisseurs pour les actifs britanniques, la livre sterling a plongé à un plus bas historique, à 1,0350 dollar lundi, et n'a que peu remonté depuis.

Le rendement de la dette d'Etat, qui augmente quand la demande recule, s'est envolé.

Le taux des obligations à trente ans, qui évoluait à environ 3,5% en début de semaine dernière, a bondi pour atteindre en début de séance mercredi 5,14%, un plus haut depuis 1998, signalant une flambée du coût de financement de la dette britannique.

Il est rapidement retombé avec l'intervention de la BoE, reculant même à 3,94%. Le taux des obligations à 10 ans a fait de même, reculant à 4,02% après avoir atteint un sommet depuis 2008 à 4,59%.

Après être repartie en baisse dans un premier temps, la livre s'est également ressaisie dans un mouvement général d'appréciation des actifs à risque et de recul du dollar. Depuis le début de l'année, sa chute, vertigineuse, reste de 20%.

La flambée des taux d'emprunt au Royaume-Uni risque de renchérir les prêts hypothécaires des ménages et les crédits des entreprises et de les porter à un point où ils ne seraient plus en mesure de rembourser.

Plus tôt mercredi, le Trésor avait défendu son plan budgétaire annoncé la semaine dernière, qui mêle soutien massif aux factures énergétiques et baisses d'impôts tous azimuts, ciblant particulièrement les revenus les plus aisés.

"Nous avons agi rapidement pour protéger les ménages et entreprises cet hiver et l'hiver prochain", a argumenté le Trésor.

"Nous nous concentrons sur la croissance de l'économie et le niveau de vie pour tous" avant un nouveau budget de moyen terme le 23 novembre qui "assurera que la dette recule dans sa part du PIB", a-t-il ajouté.

Jamais vu

Avec un taux d'inflation de quasiment 10% sur un an, le plus élevé du G7, le Royaume-Uni est déjà en récession selon la Banque d'Angleterre.

Dans une déclaration au ton jamais vu selon la plupart des économistes, le Fonds monétaire international (FMI) a vertement appelé Downing Street et le Chancelier Kwarteng à rectifier le tir.

"Vu les pressions inflationnistes élevées dans plusieurs pays, y compris le Royaume-Uni, nous ne recommandons pas de mesures budgétaires importantes non financées, car il est important que la politique budgétaire ne barre pas la route à la politique monétaire", a affirmé aussi le FMI.

"Le budget du 23 novembre présente une opportunité pour le gouvernement britannique de (...) réévaluer ses mesures fiscales, particulièrement celles qui visent les revenus les plus élevés", qui risquent "d'accroître les inégalités", sermonne le FMI.

L'agence de notation Moody's a tenu des propos similaires, avertissant d'une "trajectoire de dette insoutenable".

Les mesures budgétaires du gouvernement ont "forcé la BoE à intervenir pour éviter une crise financière", et "cela marche déjà", constate Capital Economics.

Depuis l'annonce de l'intervention, "les taux de rendement à 30 ans sont retombés", même si cette action en urgence de la banque centrale montre "que les marchés britanniques sont en périlleuse posture", ajoute le cabinet d'études.

Le chef de l'opposition britannique, le travailliste Keir Starmer, a pour sa part fustigé "le bazar créé par le gouvernement avec l'économie" du pays, l'appelant à trouver comment régler ces problèmes avant le budget de novembre, qu'il estime "trop éloigné".

afp/al