Cette décision, qui intervient quatre mois après l'arrivée du Premier ministre Li Keqiang, marque la volonté du nouveau gouvernement de poursuivre les réformes pour libéraliser un secteur financier dominé par de grands établissements publics.

Elle s'inscrit dans le cadre d'une politique visant à limiter progressivement les distorsions existant au sein d du système financier et de l'économie chinoise en général, dans le but de passer d'une croissance portée par l'exportation et l'investissement à une croissance soutenue par la consommation.

La Banque populaire de Chine (PBoC) a précisé dans un communiqué que la mesure, qui permettra aux banques de réduire autant qu'elles le veulent leurs taux de crédit, devrait permettre d'abaisser les coûts de financement des entreprises. Jusqu'à présent, le plancher était à 70% du taux de référence.

La PBoC n'a cependant pas supprimé le plafond sur les taux de dépôt, actuellement fixé à 110% des taux de référence, ce que la majorité des économistes considèrent comme l'étape la plus importante pour la libéralisation du crédit chinois.

Certains analystes estiment qu'un crédit moins cher pourrait contribuer à soutenir la croissance en Chine, dont le rythme annuel a baissé neuf fois au cours des 10 derniers trimestres.

UNE AVANCÉE MAJEURE

"C'est une avancée majeure dans les réformes financières", explique Wang Jun, économiste pour le Centre chinois pour les échanges économiques internationaux (CCIEE). "On pensait que la banque centrale se contenterait d'abaisser progressivement le taux plancher de prêts."

L'annonce a été relativement bien accueillie sur les marchés européens, sans excès, et a rappelé aux grands argentiers du G20 réunis à Moscou la détermination de la Chine à commencer à s'orienter davantage vers une économie de marché.

Le G20 a réitéré son attachement à des taux de change flexibles et à des réformes structurelles au niveau national , visant manifestement Pékin, dont les partenaires attendent un rééquilibrage de l'économie vers la demande intérieure.

La mesure annoncée vendredi devrait déjà permettre de réduire un peu les taux d'intérêt, souvent considérés comme étant artificiellement élevés et qui bénéficient aux grandes banques contrôlées par l'Etat au détriment du secteur privé.

Ces grands établissements, parmi lesquels Industrial and Commercial Bank of China, China Construction Bank, Bank of China et Agricultural Bank of China étaient réticents à l'idée d'une telle mesure, qui les conduira probablement à réduire leurs marges.

Mais de nombreux économistes estiment qu'une telle mesure est nécessaire pour inciter à mieux évaluer le risque et donc à allouer leurs capitaux plus efficacement, ce qui contribuerait à rééquilibrer une économie dominée par le surinvestissement et les surcapacités dans de nombreux secteurs, allant du ciment à l'acier, en passant par les panneaux solaires.

ENCORE DU CHEMIN À FAIRE

Certains d'entre eux sont néanmoins sceptiques quant à son véritable impact, sachant que peu de banques ont profité jusqu'à présent de leur droit de pratiquer des taux légèrement inférieurs aux taux de référence, préférant maintenir leurs taux de crédit à des niveaux un peu supérieurs au plancher.

"En principe, cette réforme devrait réduire les coûts d'emprunt, en particulier en permettant aux banques de proposer des taux avantageux aux emprunteurs les plus solvables", estime Mark Williams, économiste en chef pour l'Asie au siège londonien de Capital Economics.

"En pratique, il n'y aura qu'une petite différence dans l'immédiat", reconnaît-il. "Néanmoins, c'est une évolution conséquente pour le secteur financier chinois vers des taux d'intérêt déterminés par les forces du marché, plutôt que par la volonté du gouvernement."

La nécessité de réformer l'économie s'est particulièrement fait sentir fin juin lorsque la banque centrale a tenté de freiner les activités de financement non-bancaire, encore appelé "shadow banking", menaçant de déclencher une véritable crise du crédit.

La PBoC a ajouté vendredi qu'elle supprimait aussi les contrôles sur les taux des effets escomptés, un mode de paiement beaucoup pratiqué dans les échanges inter-entreprises.

Elle a précisé dans son communiqué qu'elle n'avait pas l'intention de limiter les contrôles sur les taux hypothécaires. Pékin fait pression sur le secteur immobilier depuis des années pour tenter de maîtriser la hausse des prix et la spéculation.

La banque centrale a fait savoir qu'elle comptait de libéraliser à terme les taux de dépôts, mais qu'elle estimait que ce n'était pas encore le moment. Elle devrait d'abord mettre en place un système d'assurance sur les dépôts ce qui, selon de nombreux observateurs, pourrait avoir lieu dès cette année.

Kevin Yao, Julien Dury pour le service français, édité par Véronique Tison