* Les opposants réclament le rejet d'un amendement gouvernemental

* L'exécutif estime que la Cour n'est pas habilitée à trancher

* Le tribunal pourrait rendre sa décision d'ici plusieurs mois

par Maayan Lubell

JERUSALEM, 12 septembre (Reuters) - La Cour suprême d'Israël a entamé mardi une audience consacrée à des recours contre un projet de loi gouvernemental limitant ses propres pouvoirs, que contestent depuis des mois des milliers de manifestants au nom de la démocratie.

Pour la première fois dans l'histoire de la plus haute juridiction du pays, les quinze juges de la Cour se sont réunis au complet pour entendre les arguments des opposants à une mesure clé du projet, adoptée en juillet par la coalition de partis religieux, conservateurs et ultranationalistes au pouvoir, dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Cet amendement aux lois fondamentales de l'Etat hébreu prive la Cour suprême de son pouvoir d'annuler des décisions gouvernementales qu'elle juge "déraisonnables".

Pour le gouvernement, l'abandon de cette "clause de raisonnabilité" vise à empêcher des juges non élus d'intervenir dans les affaires politiques. Pour les opposants, il menace l'essence même de la démocratie israélienne en supprimant un instrument de contrôle vital et en ouvrant la voie aux abus de pouvoir et à la corruption.

La décision de la Cour suprême, dont les débats sont retransmis en direct, ne devrait pas être connue avant des semaines voire des mois mais le bras de fer entre l'appareil judiciaire et l'exécutif polarise la société israélienne depuis que Benjamin Netanyahu a annoncé cette réforme en janvier.

Des dizaines de milliers d'opposants au projet descendent chaque samedi dans les rues de Tel Aviv et d'autres villes du pays, les organisations patronales préviennent que ces changements judiciaires pourraient affecter l'économie et des réservistes de l'armée ont suspendu leur service volontaire en guise de protestation, ce qui menace la sécurité nationale selon l'état-major des forces armées.

En face, l'architecte de la réforme, le ministre de la Justice Yariv Levin, affirme que l'audience de la Cour suprême est un "coup mortel" porté à la démocratie et au Parlement.

Le gouvernement estime que la Cour suprême n'a pas autorité pour examiner des amendements aux lois fondamentales d'Israël, qui n'a pas de Constitution unique.

Benjamin Netanyahu, qui est poursuivi pour des faits de corruption qu'il nie, estime que la Cour suprême est devenue trop interventionniste.

Il s'est montré évasif dans ses réponses à la question de savoir s'il respecterait la décision de la Cour suprême.

Sa recherche d'un compromis sur la réforme judiciaire n'a pas porté ses fruits jusqu'ici, mais les tractations devraient se poursuivre d'ici la décision de la Cour suprême.

(Version française Jean-Stéphane Brosse, édité par Blandine Hénault)