Le quantitative Easing (QE) pratiqué par la BCE a entraîné une absence de discernement néfaste, selon Laurent Chaudeurge, co-gérant de BDL Transitions, responsable de l’ESG. D’un côté, en contribuant à l’essor de la gestion passive qui achète ce qui a monté et vend ce qui a baissé, il a favorisé l’émergence de bulles financières. De l’autre côté, en permettant la mise en place d’un coût du capital à 0, il a entraîné toutes sortes de conséquence qui sont parfois visibles que lorsqu’il est trop tard.

La dernière décennie (2012-2022) a démarré avec la crise de l'euro et se finit avec la crise énergétique européenne, observe l'expert. Dans l'intervalle, deux grands phénomènes ont façonné les marchés financiers : la baisse des taux d'intérêt et la hausse des marchés actions. Les deux sont liés à la décision historique de la BCE d'orchestrer un Quantitative Easing dans des proportions encore jamais vues.

La taille du bilan de la BCE a quadruplé en % du PIB pour atteindre 61% en 2020. L'OAT 10 ans est passé de 2,8% à 0% en 2020. Les taux courts sont devenus négatifs. Tous ces éléments montrent que ce QE a déréglé la formation classique des prix des actifs financiers.
Avec des taux proches de 0% voire négatifs, les actions sont devenues une classe d'actifs particulièrement attractive. L'acronyme anglais TINA (There Is No Alternative) a même été inventé. La question était d'être investi en actions à tout prix plutôt que de comment investir en actions. Cela a contribué à ce qui sera peut-être appelé l'âge d'or de la gestion passive.

Les fonds indiciels et les ETFs permettent effectivement d'être rapidement investi sur les marchés pour capter la hausse des actions. Leur succès a été phénoménal sur la dernière décennie. Une étude de Morningstar calcule que, sur le marché américain, la part de marché de la gestion passive est passée de 16,8% en 2012 à 35% actuellement. Les encours gérés ont été multipliés par 5 en dix ans.

Les marges de sécurité sont très faibles, et le discernement est la clé de l'investissement. Sur la prochaine décennie, il est très probable que les marchés actions ne monteront pas en ligne droite, il faut donc être sélectif. La gestion active retrouve sa pertinence. Sélectionner les entreprises qui n'ont pas de problème de financement, qui ne perdent pas d'argent, qui ont un modèle d'affaires rentable et qui n'ont pas de valorisation exagérée, c'est le métier de la gestion active.

Toutes ces entreprises endettées, non rentables, avec un modèle non éprouvé et des valorisations excessives ont souvent vu leur cours de bourse monter pendant le QE. Il faut désormais les éviter et faire de vrais choix d'investissement. Seule la gestion active peut le faire, car la gestion passive ne "choisit" pas, conclut Laurent Chaudeurge.