MOSCOU (Reuters) - Le temps est venu de négocier une paix en Ukraine afin de réduire le risque d'une nouvelle guerre mondiale dévastatrice, mais le souhait de certains d'un éclatement de la Russie pourrait déclencher un chaos nucléaire, a déclaré l'ancien secrétaire d'Etat américain, Henry Kissinger.

Diplomate sous la présidence de Richard Nixon et celle de Gerald Ford, et architecte de la "détente" entre le bloc soviétique et le bloc américain durant la Guerre froide, Henry Kissinger, âgé aujourd'hui de 99 ans, a rencontré le président russe Vladimir Poutine à plusieurs reprises depuis les années 2000.

Il n'y a toujours pas d'issue en vue au conflit déclenché par l'invasion le 24 février de l'Ukraine par la Russie alors que la guerre a déjà fait des dizaines de milliers de morts et poussé des millions de personnes vers l'exode. La Russie contrôle actuellement environ un cinquième du territoire ukrainien.

Le Kremlin affirme que Kyiv doit reconnaître l'annexion par Moscou des régions du sud et de l'est de l'Ukraine tandis que Kyiv souhaite le départ de tous les soldats russes de son territoire, y compris en Crimée, annexée en 2014 par la Russie.

"Le moment approche de s'appuyer sur les changements stratégiques déjà survenus et de les intégrer dans une nouvelle structure visant à instaurer la paix par la négociation", écrit Kissinger dans le magazine The Spectator.

"Un processus de paix devrait lier l'Ukraine à l'Otan, quelle qu'en soit l'expression. L'alternative à la neutralité n'a plus de sens", écrit Henry Kissinger dans un article intitulé "Comment éviter une autre guerre mondiale" dans le cadre d'un entretien accordé au magazine The Spectator.

Henry Kissinger a déclaré avoir proposé en mai un cessez-le-feu en vertu duquel la Russie se retirerait des lignes de front avant l'invasion du 24 février tandis que la Crimée ferait l'objet de "négociations".

Le directeur de la CIA, William Burns, estime pour sa part, dans une interview publiée samedi, que si la plupart des conflits se terminent par des négociations, l'agence américaine de renseignement juge que la Russie n'est pas encore prête à de véritables négociations pour mettre fin à la guerre.

Pour Henry Kissinger, s'il est impossible de revenir au statu quo de 2014, des référendums supervisés par la communauté internationale dans les territoires revendiqués par la Russie pourraient s'avérer une alternative.

RISQUE NUCLÉAIRE

L'invasion de l'Ukraine par la Russie est présentée par Vladimir Poutine comme une "opération militaire spéciale" tandis que Kyiv et l'Occident estiment que le chef du Kremlin n'a aucune raison de mener une guerre d'occupation perçue comme une forme d'impérialisme.

Henry Kissinger juge cependant que le désir de rendre la Russie "impuissante", voire de chercher à la dissoudre, pourraient déclencher un chaos, même si ni l'Ukraine ni aucun pays occidental n'a officiellement préconisé l'un ou l'autre de ces objectifs.

"La dissolution de la Russie ou la destruction de sa capacité à mener une politique stratégique pourrait transformer son territoire englobant 11 fuseaux horaires en un vide contesté", a prévenu Henry Kissinger

"Ses entités en concurrence pourraient décider de régler leurs différends par la violence. D'autres pays pourraient chercher à étendre leurs revendications par la force. Tous ces risques seraient aggravés par la présence de milliers d'armes nucléaires qui font de la Russie l'une des deux plus grandes puissances nucléaires du monde", a-t-il ajouté.

(Reportage Guy Faulconbridge, version française Claude Chendjou)

par Guy Faulconbridge