TOULOUSE, 11 juillet (Reuters) - Les Romains chassaient la
baleine en Méditerranée mille ans avant les Basques, dont on
croyait jusqu'à présent qu'ils étaient les premiers à avoir
pratiqué la chasse commerciale des cétacés, estime une équipe de
chercheuses internationale.
Cette équipe internationale, impliquant des chercheuses du
CNRS et de l'université de Montpellier, émet cette hypothèse
mercredi dans la revue Proceedings of the Royal Society of
London B après la découverte d'ossements de deux espèces de
baleines aujourd’hui disparues de Méditerranée, qui pourraient
témoigner d'une industrie baleinière romaine oubliée.
Elle ont utilisé de nouvelles techniques pour étudier des os
de baleines provenant de sites archéologiques d’usines romaines
de salage de poisson dans le détroit de Gibraltar, et les
analyses moléculaires d'ADN ancien et d'empreinte de collagène
ont été menées à l'Université de York, en Angleterre.
Les analyses ont permis d'attribuer plusieurs ossements à
des baleines franches de l'Atlantique Nord (Eubalaena
glacialis), pratiquement exterminées après des siècles de
chasse, et des baleines grises (Eschrichtius robustus),
aujourd’hui restreintes au Pacifique Nord, et de montrer que ces
deux espèces étaient présentes il y a 2.000 ans en Méditerranée,
où elles venaient probablement se reproduire.
Avant cette étude, la mer Méditerranée était considérée
comme étant "à l’extérieur de l’aire historique de répartition
de ces deux espèces", soulignent les chercheurs.
TECHNOLOGIES RUDIMENTAIRES
Plusieurs ossements ont été retrouvés notamment dans les
ruines de Baelo Claudia, une ancienne ville romaine proche de
Tarifa, en Espagne, par des archéologues de l'Université de
Cadiz. La cité comptait une grande usine de transformation de
poissons, d'une capacité totale de 475 m2, qui aurait pu aussi
servir, pensent les chercheurs, à transformer des baleines.
"Nous sommes parvenus à cette hypothèse tout d'abord parce
que la région de Gibraltar était, pendant la période romaine, au
centre d’une industrie massive de transformation de ressources
marines, y compris de grands poissons comme le thon", explique
Ana Rodrigues, directrice de recherche en écologie au CNRS et
auteure principale de l'étude.
"Les Romains n’avaient pas la technologie nécessaire pour
capturer les grandes baleines présentes aujourd’hui en
Méditerranée, qui sont des espèces de haute mer. Mais la baleine
franche et la baleine grise, deux espèces côtières, ont été
chassées ailleurs depuis plus de 2.000 ans avec des technologies
rudimentaires que les Romains maîtrisaient sans doute. Toutes
les conditions sont réunies pour que notre hypothèse soit
plausible", estime Ana Rodrigues.
Pour les chercheurs, les deux espèces ont pu être capturées
en utilisant de petits bateaux à rames et des harpons, comme
l’ont fait les chasseurs de baleines basques beaucoup plus tard.
Leur présence avérée en Méditerranée apporte aussi selon eux
"un nouvel éclairage sur les sources historiques anciennes".
Elle expliquerait notamment la description, datant du
premier siècle, du naturaliste Pline l’Ancien, d'orques
attaquant des baleines et leurs baleineaux dans la baie de
Cadiz.
(Johanna Decorse, édité par Yves Clarisse)