Paris (awp/afp) - Le marché des soins vétérinaires, en plein essor depuis le Covid-19, attire de plus en plus les fonds d'investissement qui achètent des cliniques à tour de bras pour bâtir de vastes réseaux, un phénomène surveillé de près par le conseil de l'Ordre.

L'appétit des investisseurs est d'abord aiguisé par le potentiel de croissance: en dix ans, la consommation des ménages en services vétérinaires a bondi de plus de 60% en France, pour atteindre 4 milliards d'euros en 2022, a calculé le cabinet d'étude Xerfi.

Prothèses, chimiothérapies, consultations comportementales ou médecine préventive... côté clinique, l'offre de soins s'élargit et avec elle le panier moyen dépensé par les propriétaires.

"Le nombre de services, la qualité des services et le prix des services tendent à augmenter", reconnaissent Alexis Lavaillote et Arthur de Salins, investisseurs d'Ardian.

Le leader français du capital-investissement (prise de participation dans des sociétés non cotées) a annoncé fin mai un investissement de 100 millions d'euros dans le groupe de cliniques vétérinaires Mon Véto, présenté comme le deuxième acteur du marché en France.

Basé à Rouen et réalisant plus de 180 millions d'euros de chiffre d'affaires, Mon Véto compte parmi ses concurrents Sevetys, sur lequel a misé en juin 2022 une autre société de gestion, Eurazeo.

Le champion européen des réseaux de cliniques vétérinaires, IVC Evidensia, compte à son capital le fonds d'investissement suédois EQT.

Le marché est également porté par un nombre d'animaux de compagnie toujours plus important et des propriétaires de plus en plus sensibles à leur état de santé.

L'Ordre montre les crocs

Comme pour d'autres secteurs, les financiers sont attirés par un marché où fourmillent majoritairement de petits acteurs parmi les quelque 21.000 vétérinaires en France.

Dans la santé humaine par exemple (laboratoires d'analyse, radiologues...) mais aussi pour les crèches, les campings ou encore les parcs d'attraction, les fonds d'investissement adorent construire des "plateformes" qui deviennent de plus en plus rentables grâce aux économies d'échelle.

Ils les revendent au bout de plusieurs années en espérant réaliser une plus-value, soit à d'autres fonds, soit à un industriel, société établie du secteur.

"Une clinique ne vaut pas grand-chose, un groupe de cliniques ça vaut cher", résume un banquier d'affaires interrogé par l'AFP.

A lui seul, Mon Véto a par exemple regroupé plus de 168 établissements en cinq ans, un rythme effréné aidé par une génération de vétérinaires proches de la retraite cherchant à passer la main.

Leur modèle veut séduire une nouvelle génération de praticiens en proposant un équilibre différent entre vie privée et vie professionnelle grâce à la prise en charge des des tâches administratives, assumées par le groupe.

Mais le Conseil national de l'ordre national des vétérinaires, qui surveille aussi la présence au capital de ces réseaux de cliniques vétérinaires de gros industriels du secteur comme Mars et Nestlé, ne l'entend pas de cette oreille.

"Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant légalement la profession de vétérinaire", rappelle à l'AFP son président Jacques Guérin, une règle aujourd'hui "contournée" via des mécanismes juridiques complexes, selon lui.

Après la radiation de quelque 120 sociétés par l'Ordre, représentant entre 450 et 500 vétérinaires de plusieurs groupes (Anicura, IVC Evidensia, VetParners), le sujet est désormais devant le Conseil d'État qui doit rendre sa décision courant juillet.

Toutous risques

Croisée à Paris par l'AFP en compagnie de son golden retriever Romi, Andrea Meyer déplore le prix des soins. "plus le chien est âgé, plus c'est cher", constate-t-elle.

"La conséquence des prix qui augmentent, c'est que les gens ne peuvent plus assumer la médicalisation des animaux et peuvent être amenés à prendre des décisions contraires à l'intérêt de l'animal, voire de la santé publique", s'inquiète Jacques Guérin.

C'est aussi un espace pour un marché de niche peu développé en France, celui des assurances pour animaux domestiques.

Déjà bien positionné avec plus de 105 millions d'euros de primes, le patron du courtier français Santévet Hugues Salord attend par exemple cette année une croissance de son chiffre d'affaires de 22%.

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