par Yuko Inoue

Les six principales sociétés de négoce japonaises, dont Mitsubishi Corp et Mitsui & Co, se montrent offensives pour décrocher des contrats de distribution et de traitement de l'eau avec pour objectif de concurrencer les géants du secteur, les français Veolia et Suez.

"Nous sommes prêts à investir. C'est le moment d'emmagasiner des actifs dans l'eau", explique Takahiro Moriyama, membre du conseil d'administration de Sumitomo, qui a pour objectif de multiplier par dix son portefeuille d'actifs d'ici 2020 pour proposer de l'eau potable et des services de traitement de l'eau à dix millions de clients, contre 1,3 million aujourd'hui.

Les pénuries d'eau constituent un problème mondial dans le contexte de l'augmentation des populations et de l'agrandissement des villes. Environ 900 millions de personnes à travers le monde n'ont pas accès aujourd'hui à une eau potable saine, selon l'Organisation mondiale de la santé et la menace de "guerres de l'eau" est fréquemment évoquée.

La dégradation de la qualité de l'eau menace par ailleurs de bloquer l'activité des sociétés de haute technologie chinoises tandis que de cas de sécheresse marquée en Australie ont entraîné des restrictions sur la consommation d'eau.

CHINE, AMÉRIQUE LATINE EN LIGNE DE MIRE

Toray Industries, l'un des principaux fabricants mondiaux de membranes utilisées pour filtrer l'eau, estime qu'un nouveau marché de 500 milliards de dollars devrait apparaître au cours des 15 prochaines années, soit plus du double du marché mondial des puces.

Des groupes comme IBM, General Electric et Siemens mais aussi l'espagnol Acciona, le sud-coréen Doosan et le singapourien Hyflux cherchent également à prendre position sur le marché de l'eau.

Pour les sociétés de négoce japonaises, la clef est de pouvoir investir dans des infrastructures.

Après avoir massivement investi sur le marché volatile des ressources naturelles, elles souhaitent aujourd'hui prendre position sur des activités stables et de long-terme afin de compenser la forte baisse de leurs bénéfices pendant la crise.

"Quand l'économie change rapidement, les investissements dans des infrastructures de base sont pertinents", souligne Minoru Kihara, responsable à Itochu Corp. "C'est du cash flow stable qui permet de protéger le résultat net."

Investir dans des infrastructures signifie toutefois miser des fonds à long terme sur des marchés comportant un risque pays élevé et rogner sur le retour sur actifs.

Les sociétés japonaises convoitent particulièrement des marchés comme la Chine, l'Amérique latine et le Moyen-Orient.

Certains dirigeants soulignent cependant qu'il leur faudra du temps avant de devenir des acteurs mondiaux de premier plan sur un marché depuis longtemps dominé par Veolia et Suez.

A ce jour, seulement 5% du marché mondial de l'eau a été privatisé.

Pour les sociétés japonaises, la solution consistera sans doute à nouer des alliances avec les leaders du secteur ou à acquérir des compagnies locales.

Version française Gwénaelle Barzic