"L’environnement vous semble particulièrement porteur pour les banques européennes cette année. Pourquoi ?
Mis à part les derniers épisodes liés à l’Ukraine, le flux d’informations a été jusqu’ici positif et devrait le rester.
Le ratio de levier a été allégé en janvier pour les banques d’investissement. 60% du refinancement des banques a lieu au premier semestre de l’année.
La macroéconomie européenne va mieux. La Commission européenne a révisé à la hausse ses perspectives de croissance pour la zone euro. Sur deux ans, l’estimation de progression du PIB est passée de -1,8% à +0,4% pour l’Italie, de -1,3% à +1,3% pour l’Espagne. Or le secteur bancaire est le secteur qui est le plus corrélé à la reprise de la croissance.
Les encours de crédits sont destinés à augmenter au second semestre de cette année. La demande devrait être plus robuste et les banques devraient être plus enclines à reprendre du risque dans leur bilan dès lors que l’audit des actifs et les stress tests envisagés par la BCE auront été effectués.
Les dirigeants des grands établissements devraient faire état d’une poursuite de la réduction des coûts. Des programmes sont amplement mis en œuvre à l’heure actuelle.
La transparence faite sur le bilan des banques devrait entrainer une meilleure perception de leur solidité et une contraction additionnelle de la prime de risque.

Les marchés des actions européennes sont globalement dans un trend haussier. Les investisseurs sortent des marchés émergents pour se rediriger vers les marchés européens. Les commissions devraient s’avérer plus élevées pour les établissements qui ont une activité actions significative. Le retour sur fonds propres pour les banques d’investissement devrait notablement s’accroitre.

La distribution des dividendes a vocation à être plus importante sur le long terme.

L’ensemble de ces éléments nous poussent à être positifs et surpondérés sur les banques en 2014.
Nous pensons que le secteur bancaire devrait surperformer le marché cette année.

Vous avez une forte conviction sur Société Générale ?

Les bénéfices de Société Générale devraient s’élever à 22% en 2014 et à 18% en 2015. Le dividende a été annoncé à 1 euro alors que le consensus tablait sur 0,8 euro. Le ratio de distribution a alors évolué de 27% à 40%. Il devrait atteindre 50% en 2015. Le rendement des dividendes devrait s’établir à 5% en 2015 et à 6,8% en 2016, contre 3% en 2014.
Le ratio core tier 1 est au dessus de 10%, au-delà des anticipations. Le RoE devrait passer de 8,6% à 10% l’année prochaine avec une amélioration de l’activité en Russie et en Roumanie. Le RoE pour la seule BFI (banque de financement et d’investissement) est attendu à 15% grâce à l’activité des produits structurés.
Selon le président Frédéric Oudéa, la transformation structurelle du bilan de SG a été réalisée et la banque est à présent bien positionnée pour 2014.
Des annonces fortes sont escomptées lors de l’ «investor day» qui a lieu le 11 mai.

Quelle vision avez-vous du cours de bourse ?

L’action a bien performé ces derniers mois. Le titre valait 24 euros il y a un an, soit 50% de moins qu’aujourd’hui.
Pour autant la valorisation est encore basse. Le ratio cours sur actif net est de 0,7 fois pour 2015 pour un RoE de 9,1%. La décote est de 22% par rapport à l’indice du secteur bancaire européen.
Trois catalyseurs devraient permettre de diminuer cette décote ?
La vente de la banque privée en Asie, un nouveau plan de réduction des coûts et une augmentation du ratio dividendes sur bénéfices.

L’exposition à la Russie ne vous inquiète-t-elle pas ?
La Russie représente 5% des revenus de SG. Le très puissant levier opérationnel découlant d’une baisse du coût du risque, d’une réduction des charges, d’un retour à l’actionnaire, et d’une expansion des revenus sur les produits structurés permettra le cas échéant de compenser le manque à gagner.

SG a souffert sur la cote assez violemment après l’annonce de la Russie de sa volonté d’envoyer une mission en Crimée. La correction avait été de 5%.
Pour autant, le cours est revenu le lendemain au dessus du niveau qui prévalait avant ladite annonce. Il y a lieu de croire que le titre sera très recherché lorsque les tensions géopolitiques s’estomperont.

Crédit Agricole constitue un autre titre que vous aimez bien ?
Nous jouons le redressement de la banque de détail au sein de Crédit Agricole. 70% de l’activité de l’entité commerciale est exercée en France, avec une forte visibilité. Les revenus issus de cette activité se veulent récurrents.
Nous tablons sur une progression du core tier 1. Fin 2013, le ratio était à 8%. Il devrait croitre à 9% en 2014 et à 10% en 2015.
Nous ne pensons pas que la holding sera contrainte à verser des dividendes sous forme d’actions. Les caisses régionales devraient continuer à permettre à CASA d’éviter une augmentation de capital.

Le titre présente une décote de 30% par rapport au secteur bancaire européen qui devrait peu à peu se résorber.

Quelle appréciation faites-vous de BNP et de Natixis ?

Fondamentalement, BNP est la banque la plus solide sur ces dix dernières années en France. Le levier opérationnel est toutefois moins fort. Le coût du risque n’est que de 25 points de base. Il pourrait passer à 20 points de base. Ce même coût devrait varier pour Société Générale de 60 points de base à 50 points de base en 2015. Ainsi, l’upside est notablement moindre pour BNP que pour SG.
Ce postulat est confirmé sur le marché. BNP qui a sur le papier plus de qualités enregistre une performance de 5% depuis le début de l’année contre 10% pour Société Générale et 25% pour Crédit Agricole.
Natixis est généreux avec ses actionnaires mais a également moins de levier opérationnel.

Détenez-vous d’autres titres bancaires en dehors de la France ?

Nous aimons bien Deutsche Bank pour laquelle nous prévoyons une accalmie dans les mouvements de provisionnement.
2 milliards seront mis de coté entre le quatrième trimestre 2013 et fin 2015. Au total les provisions s’établiront à plus de 4 milliards d’euros.
Le ratio core tier 1 est à 9,8%. Il pourrait monter à 11% du fait de l’amoindrissement des risques dans l’activité de banque de financement et d’investissement.
Les revenus devraient croitre sous l’impulsion de l’amélioration du marché actions. La décote est de 25% par rapport au segment de marché. Un nettoyage du bilan et un renforcement de la solvabilité devraient permettre un vif rebond du titre au second semestre.

En Italie, nous avons une exposition sur Intesa qui présente une bonne solvabilité. L’excès de capital est de 5 milliards d’euros, par rapport aux 10 % du ratio core tier 1. La conjoncture s’améliore en Italie. Il n’y a pas de risque d’acquisition. Le processus de restructuration devrait se poursuivre. Un dividende exceptionnel pourrait être versé. La décote est d’environ 20% par rapport à la moyenne du secteur.

Quels sont vos objectifs de cours ?

L’objectif de cours d’ici 12 mois est de 65 euros pour BNP, 55 euros pour Société Générale, de 13 euros pour Crédit Agricole, 6 euros pour Natixis, de 48 euros pour Deutsche Bank, de 2,80 euros pour Intesa.

Quels sont les principaux risques identifiés ?

Le risque de réglementation nous parait limité.
L’audit des actifs contenus dans les bilans et les stress tests ne devraient pas donner lieu à un effet de contagion. Des banques locales de pays périphériques pourraient encore connaitre des déroutes. Cependant l’impact sur le secteur sera modéré. Ces exercices devraient même renforcer à terme la crédibilité des banques les plus solides.
Il est à noter que les banques européennes auront un battement de trois mois entre la fin de l’audit et le début des stress tests. Elles auront ensuite six mois pour se mettre en conformité, donc 9 mois au total pour entrer dans les clous.

Nous ne voyons pas l’apparition de nouvelles inquiétudes relatives à des affaires en justice.
Le principal risque me semble être une dégradation de la macroéconomie en Europe avec la retombée en récession ou de nouveaux doutes sur la soutenabilité de la dette de pays phares.



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