Francfort (awp/afp) - La Banque centrale européenne devrait confirmer jeudi le cap expansif de sa politique monétaire alors que tarde le rebond espéré de l'économie, renvoyant à plus tard le débat sur la durée des achats massifs de dette.

Avec le retour au calme sur les marchés obligataires, la BCE se retrouve sans pression pour sa troisième réunion de l'année.

Tout laisse à penser qu'elle va maintenir ses trois taux directeurs à leur plus bas historique, notamment le taux de rémunération des dépôts fixé à -0,5% depuis septembre 2019. Ainsi, les banques payent pour une partie de leurs réserves excédentaires déposées auprès de l'institution.

Décidée en mars en réponse aux tensions sur les taux obligataires, l'augmentation "significative" du rythme des rachats de dette publique et privée est appelée à se poursuivre.

Cela signifie que la BCE et l'ensemble des 19 banques centrales de l'Eurosystème continueront à dépenser "environ 15 à 20 milliards d'euros par semaine pendant les mois à venir" au titre du programme d'urgence (PEPP) lancé depuis l'apparition de la pandémie, prévoit Andrew Kenningham, économiste à Capital Economics.

Cette intervention a contribué à la détente sur le marché obligataire après la fébrilité suscitée en début d'année par les craintes d'une surchauffe de l'économie américaine.

Depuis mars, le montant hebdomadaire des achats nets d'actifs dans le cadre du PEPP a été d'environ 17 milliards d'euros en moyenne, contre 12 milliards en janvier et février.

Rythme des achats

Toute l'attention va porter sur "les indications que la BCE pourrait fournir quant à la durée des achats massifs" de titres, souligne Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management.

Le procès-verbal de la réunion de mars a montré que la banque centrale n'a pas l'intention d'augmenter le volume de son programme d'urgence doté de 1.850 milliards d'euros à dépenser jusqu'en mars 2022.

L'augmentation des achats d'actifs "devra donc à nouveau être compensée" par une probable décélération, commente Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires d'Allianz Global Investors.

Dans quelle mesure? Cela reste flou aux yeux des investisseurs qui guetteront d'éventuels indices de la présidente de la BCE Christine Lagarde, lors de sa conférence de presse, à partir de 14H30 (12H30 GMT).

"Le silence est d'or", note toutefois Carsten Brzeski, de la banque ING, qui juge peu probable que Mme Lagarde dévoile son jeu. Il s'attend à ce que la grande argentière reporte les sujets sensibles à la prochaine réunion de juin.

La BCE mène une politique très expansive destinée à soutenir les crédits aux ménages et aux entreprises. Mme Lagarde avait assuré fin mars qu'il se passerait "un certain temps" avant que l'institution resserre sa politique monétaire.

Troisième vague

La BCE avait également balayé, lors de sa précédente réunion, les risques d'un dérapage des prix, jugeant que le rebond de l'inflation en zone euro était lié à des facteurs temporaires.

La hausse des prix s'est accélérée depuis janvier pour atteindre 1,3% en mars, notamment en raison de la reprise sur la marché de l'énergie.

La BCE s'attend à ce qu'un niveau d'inflation proche de 2%, son principal objectif, reste pour un moment encore hors d'atteinte.

Des prix plus élevés de manière durable forcent d'ordinaire les banques centrales à resserrer la vis sur le plan monétaire.

Le contexte économique reste par ailleurs fragile, permettant à l'institution de Francfort de maintenir sa politique accommodante.

La troisième vague de Covid freine la reprise et les contraintes sanitaires ne s'assouplissent que lentement, en attendant l'effet des campagnes de vaccination. L'Allemagne s'apprête même à renforcer ses restrictions.

Sans surprise, Mme Lagarde devrait réitérer jeudi son appel à la mise en oeuvre rapide du plan de relance européen, jugé primordial pour la reprise. Les 27 Etats membres sont engagés dans une laborieuse phase de ratification.

A cet égard, la Cour constitutionnelle allemande a levé mercredi une incertitude de taille en rejetant un recours en référé qui visait à bloquer ce processus et notamment son mécanisme inédit et controversé de dette commune.

afp/lk