Etant une béotienne, je vous supplie de bien vouloir excuser tout écart de langage dans les modestes explications qui suivent, qui n'ont aucune ambition scientifique et servent uniquement à planter le décor. Je préfère prendre mes précautions, au vu des injures qui fusent entre sachants, non-sachants et pseudo-sachants depuis qu'une équipe de chercheurs sud-coréenne a annoncé, le 22 juillet, avoir synthétisé le premier supraconducteur au monde capable de conduire l'électricité à température et pression ambiantes avec un matériau à base de plomb appelé LK-99.

Avec des pincettes

Une telle découverte constitue un saut technologique rare dans l'histoire de l'Humanité. Enfin "constituerait" plutôt, parce que des chercheurs plus ou moins sérieux annoncent de temps à autre avoir atteint ce graal. Ça fait des années que ça dure. Il y a encore eu récemment un cas fort médiatisé en passe de mal se terminer, après une déclaration faite en mars dernier par une équipe de l'Université de Rochester. L'annonce sud-coréenne déchaîne à nouveau les passions depuis 10 jours. Pour que la découverte soit aussi révolutionnaire qu'elle le semble, il faut que l'expérience soit répétée, comprise et vérifiée. A ce propos, je vous recommande quelques articles qui pèsent le pour et le contre avec un certain recul et sans parti-pris. Celui de l'équipe de Doomberg est intéressant, en ce qu'il rappelle la grille de vérification à appliquer face à ce type d'annonce (qui est concerné ? où les résultats ont-ils été publiés ? où en est le processus scientifique ? quel est le contexte scientifique ? etc.).

Mais l'objet de ce papier n'est pas de savoir qui a raison, c’est-à-dire si l'équipe sud-coréenne peut tout de suite réserver une chambre dans un hôtel luxueux de Stockholm en vue du prochain prix Nobel de physique (de chimie ? Pas taper !) ou si elle rejoindra la cohorte des chercheurs mégalos discrédités. Non, cet article vise seulement à relater la fièvre qui s'est emparée de certains dossiers en bourse depuis l'épisode LK-99. Revue d'effectifs, qui concerne essentiellement les sociétés qui fabriquent des fils électriques.

L'Asie en première ligne

L'action Duksung par exemple, qui a pris 115% à Séoul en 5 séances, grâce à une petite filiale qui produit des équipements liés aux supraconducteurs. Sunam, qui en est à +180% sur les dernières journées de cotation, se décrit comme un fabricant de fils supraconducteurs à haute température. D'autres petites valeurs reliées de près ou de loin au secteur ont aussi brillé, comme Shinsung Delta, dont le cours a doublé en une semaine. On peut ajouter LS Cable et Daewon Cable toujours en Corée, PT Sumi Indo Kabel en Indonésie, ou Madhav Copper et Delton Cables en Inde.

Même topo en Chine, mais avec des épisodes cocasses. Jiangsu Fasten, qui produit des fils métalliques, a gagé 30% sur la semaine. La société a perdu une partie de son avance après avoir pris soin de précision au marché qu'elle n'a aucun projet supraconducteur en cours ! Bis repetita avec Henan Zhongfu Industrial, qui a pris 30% aussi, avant d'indiquer qu'elle avait bien participé il y a 13 ans à un projet dans de domaine, mais que ça n'avait abouti à rien. Les Etats-Unis ont aussi leur champion, le bien nommé American Superconductor, qui a connu une séance à +60% mardi, avant de reperdre 40% depuis. En France, les spéculateurs en sont pour leurs frais : les haut-savoyards de Thermocompact, spécialistes des fils de haute technicité, ont malheureusement quitté la cote il y a cinq ans lors d'un rachat.

Mais rassurez-vous, aux Etats-Unis, on spécule aussi là-dessus