par Mayumi Negishi

Le constructeur japonais a constamment minimisé les plaintes récurrentes liés aux accélérations imprévues de ses véhicules, brisant ainsi l'une des règles fondamentales des relations publiques en période de crise: assumer le pire.

"Les gens veulent voir une entreprise assumer son entière responsabilité, avoir de l'empathie pour les victimes et leur famille et garder le contrôle en expliquant le problème et la manière dont elle compte le résoudre. Ils attendent également que ce soit le patron qui fasse tout cela", explique Ong Hock Chuan, conseiller de Maverick, un cabinet spécialisé dans la gestion de crise.

"Toyota semble avoir échoué sur tous les plans."

Le président du groupe, Akio Toyoda, petit-fils du fondateur de la société, n'a à ce jour pas évoqué une seule fois officiellement en public ou devant la presse les problèmes de rappels de véhicules.

Jusqu'en novembre, le constructeur japonais a continuellement imputé la responsabilité des problèmes au tapis de sol. Depuis, le problème s'est étendu aux pédales d'accélérateurs et les autorités de réglementation de la sécurité aux Etats-Unis enquêtent pour déterminer si le système de contrôle électronique de l'accélérateur n'est pas en cause.

Et désormais c'est la Prius, le modèle hybride phare du groupe, qui est soupçonné d'un défaut de freinage.

"DÉSASTRE ABSOLU"

Lors d'une conférence de presse mardi, qui a marqué la première apparition publique d'un dirigeant du groupe depuis les rappels massifs annoncés la semaine précédente, aucun représentant de Toyota ne s'est incliné, alors que ce geste montre, au Japon, que l'on assume la responsabilité de ses erreurs.

Lors de cette conférence, un cadre peu connu chargé de la qualité, Shinichi Sasaki, a indiqué que l'une des raisons qui avait conduit le groupe à utiliser les pédales d'accélérateurs de l'équipementier américain CTS était sa volonté de soutenir l'économie locale aux Etats-Unis.

Or, selon des conseillers en relations publiques, ce n'était pas ce que les gens voulaient entendre. D'autant que beaucoup d'Américains ont entendu l'appel de détresse passé le 28 août dernier par un passager d'une Lexus avant l'accident qui a tué le conducteur et trois membres de sa famille, désormais largement diffusé par les médias et sur internet.

"Il aurait dû y avoir une explication plus convaincante, y compris de la part du président", estime Masato Takahashi, conseiller chez Kyodo PR.

"De la part d'une entreprise japonaise, qui a un très bon contrôle qualité, le fait d'agir ainsi, avec de tels ratés, constitue un désastre absolu", juge pour sa part Suhel Seth, associé du cabinet Counselage.

"Le pire, dans cette affaire, c'est que tout le concept japonais des excuses publiques à la japonaise a été totalement absent."

Une porte-parole de Toyota, Mieko Iwasaki, a de son côté assuré que l'entreprise avait toujours pris les mesures qu'elle jugeait les meilleures et les plus rapides pour satisfaire en premier lieu ses clients.

"Si cela a été considéré comme trop lent, nous l'accepterons comme un signe de faiblesse", a-t-elle ajouté.

Le groupe a fait publier des annonces de pleine page dans les principaux journaux américains dimanche pour alerter les consommateurs sur les rappels et l'arrêt de sa production.

Jim Lentz, président de Toyota Motor Sales USA, est apparu à la télévision pour exprimer ses regrets pour les conducteurs inquiets.

Des spécialistes mettent également en avant l'ampleur du rappel et l'arrêts de la production dans plusieurs usines, démontrent selon eux le sérieux du groupe nippon.

"Certaines déclarations de la direction montrent bien qu'elle n'essaie pas de tout dissimuler sous le tapis ou de nier quoi que ce soit", estime Hannah Cunliffe, gérante d'Union Investment, qui détient des actions Toyota.

"Je ne crois pas qu'il gèrent mal tout cela. Mais c'est un dossier très difficile à gérer."

Avec Saeed Azhar à Singapour, C.J. Kuncheria à New Delhi, Nobuhiro Kubo, Chang-Ran Kim et Nathan Layne à Tokyo, version française Alexandre Boksenbaum-Granier, édité par Marc Angrand