PARIS (Reuters) - Le président français Emmanuel Macron a déclaré mardi qu'il allait demander à son homologue russe Vladimir Poutine des "clarifications" sur les intentions de Moscou à l'égard de l'Ukraine, prévenant qu'une attaque de la Russie contre son voisin provoquerait une riposte avec un coût "très élevé".

Au cours d'un déplacement à Berlin, où il a rencontré le chancelier allemand Olaf Scholz, le chef de l'Etat a aussi souligné que les Occidentaux étaient "pleinement engagés" au côté de Kiev, sur fond de tensions croissantes avec Moscou en dépit de multiples discussions diplomatiques depuis le début du mois.

Fait rare, le président américain Joe Biden s'est dit mardi disposé à imposer des sanctions directes contre Vladimir Poutine en cas d'invasion de l'Ukraine.

Les grandes puissances occidentales craignent une nouvelle offensive de la Russie, qui a annexé la péninsule de Crimée en 2014 et a massé ces derniers mois plusieurs dizaines de milliers de soldats à la frontière ukrainienne.

Moscou, qui nie toute intention belliqueuse et impute les tensions aux Etats-Unis et à l'Otan, demande des garanties sécuritaires de la part des Occidentaux - celle, notamment, que l'Alliance transatlantique ne s'élargira pas à l'Est pour inclure l'Ukraine.

D'après l'agence de presse RIA, citant l'armée russe, des préparatifs militaires avec plus de 6.000 soldats ont débuté dans un district du sud du pays, frontalier de l'Ukraine, alors que le Kremlin s'est dit préoccupé par la mise en alerte par les Etats-Unis de 8.500 soldats en vue d'un éventuel déploiement en Europe de l'Est.

"PUISSANCE DE DÉSÉQUILIBRE"

"Nous ne pouvons que constater que la Russie est en train de devenir une puissance de déséquilibre", a déclaré Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse commune avec Olaf Scholz, notant que les actes de déstabilisation d'anciens Etats soviétiques "se multiplient".

Le président français a toutefois indiqué qu'il ne fallait "pas abandonner" le dialogue avec la Russie et que celui-ci devait se poursuivre dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Il a annoncé qu'il s'entretiendrait vendredi par téléphone avec Vladimir Poutine, à qui il entend demander des "clarifications" sur les intentions de Moscou à l'égard de l'Ukraine. L'Elysée avait indiqué lundi soir qu'Emmanuel Macron s'entretiendrait cette semaine avec le président russe et avec le président ukrainien Volodimir Zelenski.

Olaf Scholz a lui aussi prévenu Moscou que tout menace contre l'intégrité territoriale de l'Ukraine entraînerait un "coût très élevé pour la Russie", disant cependant ne pas vouloir spéculer sur les intentions de Vladimir Poutine.

De nouvelles discussions en "format Normandie", entre conseillers politiques de la Russie, de l'Ukraine, de la France et de l'Allemagne, auront lieu mercredi à Paris.

S'il a de nouveau écarté l'hypothèse d'un envoi de soldats américains sur le territoire ukrainien, Joe Biden a répondu par l'affirmative à la question de savoir s'il pourrait sanctionner directement Vladimir Poutine en cas d'invasion de l'Ukraine.

Il s'agirait de "la plus importante invasion depuis la Deuxième Guerre mondiale", a dit le président américain aux journalistes, ajoutant qu'une telle offensive russe "changerait le monde".

Il est rare, mais pas inédit, que Washington prenne des sanctions directes contre des dirigeants étrangers. Le président vénézuélien Nicolas Maduro, le président syrien Bachar al Assad et l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi ont été ciblés par des sanctions américaines.

KIEV VOIT "DE L'ESPOIR"

A Kiev, Volodimir Zelenski a appelé la population ukrainienne au calme, citant la réunion diplomatique en "format Normandie" prévue cette semaine. "Il n'y a pas d'illusion infantiles, tout n'est pas simple (...) mais il y a de l'espoir", a-t-il dit lors d'une allocution télévisée.

Plusieurs réunions bilatérales entre les Etats-Unis et la Russie ainsi que des discussions dans un format plus large avec l'Otan, au cours des deux dernières semaines, n'ont pas permis d'avancer vers une sortie de crise.

Selon l'Otan, qui va renforcer militairement son flanc oriental, le Danemark, l'Espagne, la France et les Pays-Bas étudient la possibilité d'envoyer des soldats, des navires ou des avions dans la région.

Pour l'heure, l'Alliance compte environ 4.000 soldats de différents pays déployés en Estonie, Lituanie, Lettonie et Pologne, ainsi que des chars d'assauts, des défenses aériennes et des unités de renseignement et de surveillance.

La Grande-Bretagne a annoncé la semaine dernière avoir commencé à envoyer des armes antichar à l'Ukraine.

Le Wall Street Journal a rapporté que l'Allemagne empêchait l'Estonie, autre pays membre de l'Otan, d'apporter un soutien militaire à l'Ukraine, une attitude dénoncée par la Pologne qui a demandé mardi à Berlin d'adopter une position plus ferme à l'égard de Moscou.

Olaf Scholz a défendu mardi la position du gouvernement allemand qui, depuis plusieurs années, a pour principe "de ne pas livrer d'armes létales", a-t-il dit.

(Reportage Jean Terzian et Nicolas Delame, avec les bureaux de Berlin, Washington et Kiev, rédigé par Jean Terzian)