San Francisco (awp/afp) - Le destin de la librairie en ligne devenue colosse des technologies semblait intimement liée à la vision et à la détermination d'un homme, Jeff Bezos. Sa décision de donner, d'ici l'automne, les commandes d'Amazon au quotidien à Andy Jassy, actuel patron de la branche de cloud (informatique à distance), soulève donc de nombreuses questions.

Amazon reste-t-il un géant sans Jeff Bezos aux manettes ?

Le milliardaire américain, qui a fondé Amazon dans un garage en 1994, a bien précisé dans sa lettre à ses employés mardi (1,3 million de personnes dans le monde), qu'il ne "prenait pas sa retraite". En tant que président du conseil d'administration, il garde le pouvoir.

"Il s'était déjà retiré de l'essentiel des décisions à prendre au jour le jour (...) depuis 2016", a souligné Doug Anmuth de JPMorgan. "Nous nous attendons à ce qu'il reste impliqué dans les décisions stratégiques essentielles."

En outre, Andy Jassy n'est pas un petit nouveau. Le futur directeur général a rejoint la société de Seattle en 1997, comme directeur du marketing. Il a fondé la branche de cloud, Amazon Web Services, en 2003. Amazon domine aujourd'hui largement ce secteur devenu l'infrastructure fondamentale d'internet.

La nouvelle n'a pas suscité de mouvement majeur sur les marchés, et les observateurs ne s'inquiètent pas pour l'entreprise.

D'autant qu'elle sort très renforcée de la crise sanitaire qui l'a propulsée au rang de service quasi d'intérêt public, entre les serveurs qui alimentent de nombreuses industries et des services comme Netflix et les livraisons rapides.

Une position renforcée qui devrait perdurer "même après le retour à la normale", ont commenté les analystes de Canaccord.

Qu'est-ce qui attend le nouveau patron ?

Dans son ascension, Amazon s'est fait de nombreux ennemis. L'entreprise fait l'objet d'enquêtes de diverses autorités de régulation de la concurrence dans le monde.

Le groupe se voit notamment reprocher son statut de juge et partie sur sa plateforme de e-commerce.

"Amazon est seulement intéressé par l'exploitation de son monopole sur les ventes en ligne", a déclaré l'élu démocrate David Cicilline, lors d'une audition fin juillet. "Son double rôle d'hébergeur et de marchand sur la même plateforme est fondamentalement anti-concurrentiel. Le Congrès doit prendre des mesures".

Jeff Bezos a martelé sa différence avec les sociétés de la Silicon Valley, en faisant valoir que son groupe "ne compte que pour 1% du marché mondial de la distribution, et 4% aux Etats-Unis", et qu'il avait créé "plus d'emplois aux Etats-Unis pendant la décennie écoulée que tout autre".

Amazon dispose de nombreux atouts pour faire face aux critiques, dont son directeur de la communication, Jay Carney, qui connaît bien la Maison Blanche puisqu'il a été le porte-parole de Barack Obama.

Mais le nouveau directeur général ne devrait pas échapper à des questions difficiles, y compris sur le front social.

Quelles seront les priorités d'Andy Jassy ?

"Nous avons entendu des inquiétudes sur l'expérience plus limitée de Jassy dans la distribution", a noté M. Anmuth. "Mais nous ne pensons pas que beaucoup de choses vont changer. (...) Jassy va certainement continuer avec les mêmes valeurs et principes que Bezos".

Selon plusieurs analystes, le choix de donner les rênes à ce responsable de 53 ans signale la détermination du groupe à rester leader de l'informatique à distance, un secteur où Microsoft et Google le talonnent.

Amazon détenait 32% du marché des infrastructures de cloud fin 2020, tandis que la part de Microsoft est montée à 20%, d'après Synergy Research.

Andy Jassy va aussi devoir s'occuper du reste de l'empire.

C'est un dirigeant "qui met la main à la pâte", a remarqué Daniel Newman de Futurum Research. "Il relit les communiqués de presse et surveille les lancements de produits, les événements, les échanges, et plus encore".

"Il va être observé comme (le patron d'Apple) Tim Cook: un opérationnel avec un excellent CV, mais est-il le visionnaire qui peut emmener Amazon au niveau supérieur ? Nous avons des raisons de croire qu'il en a les moyens", poursuit-il.

Que va faire Jeff Bezos ?

Il a dit vouloir se concentrer sur sa société spatiale Blue Origin, ses organisations philanthropiques Day 1 Fund et Bezos Earth Fund, ainsi que sur le quotidien Washington Post, dont il est propriétaire.

Mais Jeff Bezos va aussi peser de tout son poids dans les inventions et autres idées risquées.

"Nous avons des projets dans les tuyaux qui vont continuer de vous ébouriffer", a-t-il écrit.

afp/rp