Vidéo par Harumi Ozawa, photos par Toshifumi Kitamura et Behrouz Mehri.

TOKYO (awp/afp) - Rupture de stocks de caisses enregistreuses, deux niveaux de TVA, système complexe de ristournes: la hausse de la taxe sur la consommation au Japon à partir de ce mardi sème déjà la confusion dans les petits commerces de bouche.

"Jusqu'au dernier moment les commerçants se sont demandé si la taxe serait bien augmentée car cette mesure a été différée deux fois", déclare à l'AFP Kazu Ishikawa, un responsable de la stratégie de Casio, premier fabricant japonais de caisses enregistreuses.

La date approchant, ils ont fini par comprendre: il faut changer de matériel. Car "pour la première fois au Japon, plusieurs niveaux de taxes cohabiteront", souligne M. Ishikawa.

La plupart des biens de consommation vont passer à une TVA à 10%, tandis que l'alimentation (sauf la restauration et l'alcool) et les journaux ou magazines publiés plus de deux fois par semaine resteront au taux actuel de 8%.

Dans la restauration rapide, les supermarchés ou supérettes avec coin repas et autres types de commerces qui vendent sur place ou à emporter, devront par conséquent jongler avec deux niveaux de taxe. "D'où la nécessité pour de nombreuses enseignes de se doter de nouveau matériel d'encaissement", précise M. Ishikawa.

Problème: les commandes ont explosé "depuis fin juin" à partir du moment où a été annoncé par le gouvernement un plan de subvention pour aider les boutiques à s'équiper.

"L'Etat est généreux, donc beaucoup de commerces ont franchi le pas: sur une caisse à 60.000 yens (500 euros), le coût réel pour le commerçant est de 15.000 yens", selon M. Ishikawa.

"Je reste à 8% pour tout"

La pénurie concerne principalement les caisses enregistreuses "autonomes" (40% du total) qui ne sont pas reliées à un système informatique général comme ceux des grandes chaînes de commerce.

Casio, à l'instar d'autres fabricants, a été forcé de doper ses lignes de production, mais cela ne suffira pas.

"Ceux qui n'auront pas leur caisse à temps devront se débrouiller en attendant", déplore Kazunori Ihara, chargé des ventes chez Casio.

Ce système de double niveau de TVA est mal accueilli par une grande partie des petits commerçants.

Certains ont décidé de ne pas se casser la tête: "Je reste à 8% pour tout, tant pis, je ne change pas ma caisse", lance une boulangère de l'arrondissement de Shinagawa à Tokyo, souhaitant garder l'anonymat.

En théorie, elle devrait appliquer une taxe à 8% sur le pain, les sandwiches et la viennoiserie à emporter, mais à 10% sur ces produits quand ils sont consommés sur place, dans son coin café à l'étage.

"Les clients ne savent pas forcément au moment où ils achètent ce qu'ils vont manger ici, ce qu'ils vont rapporter chez eux. On ne va pas compter à la bouchée", plaisante-t-elle à moitié.

Craintes de fraudes

Même réponse dans une boutique du marché au poisson de Tsukiji, qui vend "à emporter" tout en autorisant les clients à manger sur place. "Notre caisse est compatible avec le double taux de taxation, mais nous laisserons tout à 8%", confie-t-il à l'AFP.

D'autres commerces de bouche ont choisi de contourner la difficulté différemment: le prix toutes taxes comprises (TTC) sera le même pour le client que ce soit sur place ou à emporter, c'est le prix hors taxe (HT) qui sera différent.

Les commerçants et consommateurs font aussi face à un autre casse-tête: le système de remboursement d'une partie de la hausse de taxe sous forme de points, pour ceux qui payent autrement qu'en liquide (avec leur smartphone, une carte bancaire). Mais là encore, cela ne porte pas sur tout et pas dans tous les commerces.

"Le système de points est connu désormais, mais il n'est pas compris", estime M. Ishikawa de Casio.

Pire, d'aucuns craignent des fraudes. Car beaucoup de Japonais se méfient des paiements dématérialisés en raison des risques de piratage, comme celui qui a forcé cet été la chaîne de supérettes Seven Eleven à abandonner son nouveau dispositif de paiement par code QR sur smartphone.

Des experts ont aussi souligné la possibilité de détournement de points, par la revente d'un produit acheté neuf en appliquant une ristourne inférieure à celle obtenue en points, ce qui permettrait de réaliser une plus-value.

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