par Stephane Mahe
LOIREAUXENCE, 17 août (Reuters) - La Loire est un fleuve peu
profond dans le meilleur des cas mais cette année la sécheresse
a réduit son débit d'eau comme rarement auparavant.
Les bancs de sable de la vallée de la Loire s'étendent
désormais à perte de vue tandis qu'en de nombreux endroits le
plus long fleuve de France se traverse quasiment à pied.
"L'étiage 2022 est assez exceptionnel car nous avons un
déficit pluviométrique très important qui a commencé l'hiver
dernier et qui met beaucoup de cours d'eau, notamment les
petits, dans une situation où il n'y a plus d'écoulement
observable (...) Cela touche l'ensemble du territoire, ce qui
est relativement inédit", a déclaré Eric Sauquet, directeur de
recherche en hydrologie à l'Institut national de recherche pour
l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).
L'impact du faible niveau de l'eau sur la concentration en
oxygène, la température des cours d'eau et par conséquent sur la
faune aquatique est par ailleurs très inquiétant.
"Les poissons ont besoin d'eau pour vivre, trouver des
refuges - frais pour certaines espèces - se déplacer. Des
étiages particulièrement sévères restreignent leur environnement
de vie et parfois ils se retrouvent piégés dans des flaques", a
déclaré Eric Sauquet.
Le débit du fleuve est d'environ 40 mètres cubes par seconde
- soit moins d'un vingtième de la moyenne annuelle - mais
seulement grâce au soutien des barrages de Naussac (Lozère) et
de Villerest (Loire), construits au début des années 1980 en
partie pour garantir l'approvisionnement en eau de
refroidissement des quatre centrales nucléaires bordant la
Loire.
UN CHANGEMENT CLIMATIQUE "INDÉNIABLE"
Les centrales de Belleville-sur-Loire, Chinon,
Dampierre-en-Burly et Saint-Laurent ont une capacité combinée de
11,6 gigawatts, ce qui représente près d'un cinquième de la
production d'électricité française.
Avec plusieurs centrales d'EDF à l'arrêt pour des problèmes
techniques et d'autres dont la puissance est affectée par la
baisse du débit des fleuves, la fermeture d'une ou plusieurs
centrales de la Loire pourrait faire grimper les prix de
l'électricité dans toute l'Europe.
Les touristes et les locaux s'émerveillent et s'inquiètent à
la fois à la vue des immenses bancs de sable mis à nu.
"Même en 1976, l'eau n'a jamais été aussi basse que cela", a
déclaré Brigitte Gabory Defois, une riveraine.
Quelques jours après les grands incendies qui ont frappé la
France, alimentés par une sécheresse exceptionnelle, des pluies
diluviennes se sont abattues sur certaines régions de
l'Hexagone. Plusieurs départements sont placés ce mercredi en
vigilance orange aux orages par Météo-France.
"Le changement climatique est en cours, c'est indéniable
(...) il y aura forcement à réfléchir au partage de la ressource
en eau (...) aux pratiques agricoles pour essayer d'être moins
vulnérables aux aléas climatiques", a ajouté Eric Sauquet.
(Reportage Stephane Mahe, avec Manuel Ausloos et Forrest
Crellin, rédigé par Geert De Clercq, version française Laetitia
Volga, édité par Jean-Michel Bélot)