Bellinzone (awp) - Le réseau hospitalier du Tessin (EOC) et les assureurs Baloise, Helvetia et Mobilière ont apparemment fait les frais d'un vaste système de fraude mis en place par les ex-responsables de la succursale tessinoise du groupe Belfor, spécialisé dans les rénovations post-sinistres.

Licenciés depuis et passés par la case prison, ces derniers sont accusés d'avoir copieusement surfacturé pendant plusieurs années - via une société de sous-traitance dont ils étaient les actionnaires - des prestations partiellement voire non réalisées, avec l'approbation complaisante d'inspecteurs des sinistres de diverses compagnies d'assurance, en échange d'avantages en nature et en espèces.

Revenant sur un incendie survenu en janvier 2017 dans les cuisines de l'hôpital San Giovanni à Bellinzone, un ancien salarié de Sublimity - la firme aux mains des ex-dirigeants de Belfor à laquelle l'EOC avait confié les travaux de réparation - a détaillé dans le cadre d'un reportage diffusé dans l'émission "Falò" sur la RSI les stratagèmes utilisés pour gonfler les factures.

"Cache-cache" à plusieurs millions

Pour une intervention qui avait duré effectivement deux semaines, l'entreprise a facturé trois mois de travaux. "Après la première semaine, le reste a été un jeu de cache-cache", a affirmé l'ex-ouvrier, qui a passé cinq semaines sur le chantier. "Terrés dans les locaux techniques de l'hôpital, certains dormaient sur les tubes de ventilation, avec des chiffons en guise de coussins", a-t-il poursuivi.

Au total, ce sont près de 3 millions de francs suisses qui ont été facturés à l'assurance, dont 300'000 francs suisses que l'EOC a dû prendre à sa charge à titre de franchise, a indiqué son directeur général (CEO) Glauco Martinetti, précisant que trois polices sont concernées (bâtiment, matériel, perte d'exploitation). L'établissement public autonome a signalé les faits au ministère public et s'est depuis porté partie civile.

Selon la RSI, un inspecteur des sinistres de l'assurance concernée, ainsi qu'un consultant externe, figurent parmi les personnes dans le viseur du parquet tessinois et ont été arrêtés pour d'autres cas présumés de fraude similaires.

Baloise parmi les victimes

"Baloise a également été victime des agissements criminels décrits", a confirmé lundi à l'agence AWP un porte-parole de l'assureur rhénan. "En raison de la procédure en cours, nous ne pouvons malheureusement pas donner de détails sur les incidents", a-t-il poursuivi, laissant tout de même entendre que deux anciens collaborateurs de l'entreprise avaient été entendus par le ministère public.

De son côté, la Mobilière dit avoir "connaissance de ces allégations" et lancé une enquête interne. Un porte-parole a admis qu'un ancien collaborateur était "impliqué dans l'enquête", sans fournir plus d'informations en raison du secret de l'instruction.

Les deux assureurs affirment collaborer avec les autorités compétentes et vouloir faire toute la lumière sur cette affaire. Interrogés sur le montant d'un éventuel préjudice suite à ces malversations, aucun n'a cependant articulé de chiffre.

Egalement contactée, la direction d'Helvetia a déclaré ne pas pouvoir "prendre position", tout en évoquant une "procédure en cours". Celle de l'EOC n'a pas répondu aux sollicitations d'AWP à propos d'éventuelles prétentions à un dédommagement de la part des assureurs et/ou de Belfor.

La filiale suisse de Belfor a quant à elle insisté dans un communiqué ne pas faire l'objet d'une enquête du ministère public tessinois, mais soutenir le bureau du procureur en tant que de partie civile.

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