* Les géants de la "tech" ont tiré les marchés en 2023

* Les marchés obligataires ont enregistré une forte volatilité

* Léger repli du dollar; yen, yuan et devises émergentes ont souffert

* Elections en 2024 dans des pays représentant 60% du PIB mondial

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par Marc Jones

LONDRES, 22 décembre (Reuters) - L'année en passe de s'achever pourrait être considérée comme l'une des plus singulières jamais observées sur les marchés financiers, principalement parce que tout semble s'être bien déroulé malgré de nombreuses turbulences et maintes prédictions qui se sont révélées fausses.

Sur les marchés actions, l'indice MSCI monde affiche à ce stade un gain de près de 20% malgré un relèvement massif des taux d'intérêt des grandes banques centrales, une mini-crise dans le secteur bancaire qui a débouché sur le rachat de Credit Suisse par UBS et des secousses dans les banques régionales américaines.

Sur les marchés obligataires, il y a quelques mois à peine, les investisseurs s'attendaient à ce que la Fed et d'autres banques centrales augmentent encore leurs taux ou les laissent à des niveaux élevés pendant une période prolongée alors qu'une récession économique menaçait.

Depuis fin octobre, les marchés obligataires parient désormais sur une baisse du coût du crédit et considèrent que la lutte contre l'inflation est en passe d'être gagnée.

D'autres actifs sur le marché ont enregistré des fluctuations notables difficilement explicables. Le bitcoin est par exemple en hausse de plus de 150% depuis le début de l'année, tandis que les obligations des marchés émergents ont enregistré des gains à trois chiffres et les "sept magnifiques" (les géants de la technologie) ont vu le cours de leurs actions s'envoler de 99% sur l'année écoulée.

"Si on m'avait dit au début de l'année que nous aurions une crise bancaire régionale aux Etats-Unis et que Credit Suisse cesserait d'exister, je ne suis pas sûr que nous aurions imaginé que nous connaîtrions l'année que nous avons vécu sur les actifs à risque", a déclaré Andrew Balls, directeur général de PIMCO en charge des marchés obligataires.

HAUSSE DE 190% POUR META ET DE 240% POUR NVIDIA EN 2023

Le bilan pour cette année montre des rendements de 3,5% à 6,5% sur les principales obligations d'Etat et un rallye de 10.000 milliards de dollars sur les actions regroupées dans les indices monde .

Des titres comme Meta Platforms et Tesla ont grimpé respectivement à ce stade de 190% et 105% sur l'ensemble de l'année. Le Nasdaq est à l'aube d'enregistrer sa meilleure année depuis vingt ans. L'engouement pour l'intelligence artificielle (IA) a dopé des sociétés comme Nvidia, dont l'action s'est envolée de 240% depuis le début de l'année, permettant au fabricant de semi-conducteurs d'entrer dans le club restreint des entreprises valorisées à plus de 1.000 milliards de dollars en Bourse.

Mais cette embellie boursière ne s'est pas déroulée sans embûches. En mars, l'effondrement de Silicon Valley Bank (SVB), une banque américaine de taille moyenne, et le sauvetage du Credit Suisse, créé il y a 167 ans, ont provoqué une chute des actions dans le monde, qui ont perdu la totalité des gains de 10% réalisés en janvier.

Le repli sur les actifs sûrs ont alors fait grimper l'or de 7%, tandis que les rendements souverains américains et européens ont enregistré leur plus forte baisse mensuelle depuis la crise financière de 2008.

La hausse continue des taux d'intérêt dans le monde a tenu les investisseurs en haleine tout au long de l'été, et en octobre, les attaques du Hamas en Israël ont exacerbé les tensions géopolitiques.

RETOUR À LA CASE DÉPART POUR LE 10 ANS AMÉRICAIN

Sur le marché des changes, depuis le début de l'année, le dollar a baissé d'environ 1%, un repli à peine perceptible, tandis que le franc suisse, actif refuge , s'est apprécié de 7,5%. L'apparente réticence du Japon à relever ses taux d'intérêt et l'économie chancelante de la Chine se sont traduites par des baisses respectivement de 9% pour le yen et de 3,5% pour le yuan à ce stade de l'année.

Comme souvent, les grands mouvements sur les changes ont eu lieu surtout sur les marchés émergents, où la livre turque a enregistré pour le moment une chute de 35% depuis le début de l'année, tandis que la monnaie égyptienne a été dévaluée de 20%, la devise nigériane de 45% et le peso argentin de la moitié de sa valeur depuis l'arrivée au pouvoir de l'ultralibéral Javier Milei.

Côté hausse, les monnaies colombiennes et mexicaine ont respectivement pris 23% et 14%. Le zloty polonais est en hausse de 11%, tandis que le réal brésilien a progressé de 8,5%.

"Une fois que le dollar commencera à baisser, il pourrait y avoir beaucoup de carburant pour que cela (volatilité) continue", prédit Bill Campbell de DoubleLine, faisant référence à une éventuelle faiblesse du billet vert et à des interrogations sur les conséquences d'un éventuel retour au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis.

L'année est en passe de s'achever avec un rendement des bons du Trésor américain à dix ans presque au même niveau où il a commencé 2023, même s'il a affiché un pic de 5% en octobre.

Selon les calculs de Bank of America (BofA), les banques centrales dans le monde ont relevé leurs taux d'intérêt au total cette année à environ 125 reprises, tandis qu'elles ont procédé à seulement 60 baisses.

Si l'on intègre les 18 mois précédents, le total des hausses s'élève à 510, contre un peu plus de 1.370 baisses depuis le krach financier mondial de 2008. BofA estime que les baisses l'emporteront l'année prochaine avec un total d'environ 150 réductions contre seulement 40 hausses attendues.

"Tout le monde s'attend à un atterrissage en douceur, tout le monde s'attend à une baisse des rendements obligataires et tout le monde s'attend à une baisse des taux de la Fed", a résumé Elyas Galou, stratège chez BofA, faisant référence à une enquête auprès des investisseurs.

FIÈVRE ÉLECTORALE Les valeurs composant l'indice Nikkei au Japon ont bondi de 17% libellées en dollars et de 27% libellées en yens, ce qui en fait à ce stade sa meilleure performance annuelle depuis dix ans.

Le marché clé de l'immobilier en Chine a continué de peser sur la deuxième économie du monde, ce qui a eu un impact sur le pétrole, en baisse pour le moment de près de 8% depuis le début de l'année. L'Or de son côté, actif refuge, a bondi de 11,5% sur l'ensemble de l'année.

Parmi les autres actifs notables figurent les obligations du Salvador, un pays sous la menace d'un défaut de paiement et dont les rendements souverains ont grimpé de 114% sur l'année.

L'allègement des sanctions américaines a permis aux obligations du Venezuela de s'envoler de 150% et celles du Pakistan et du Sri Lanka de 97% et 71%.

Sur le plan politique, l'année qui arrive sera marquée par plus de 50 échéances électorales majeures, notamment aux Etats-Unis, à Taïwan, en Inde, au Mexique, en Russie et probablement en Grande-Bretagne. Les électeurs de ces pays représentent 80% de la capitalisation boursière mondiale et 60% du PIB mondial.

Taïwan donnera le coup d'envoi avec des élections dès le 13 janvier, suivies quelques jours plus tard par les primaires du New Hampshire pour la présidentielle américaine de 2024.

Dans les autres grands rendez-vous de 2024 figurent la première baisse des taux de la Fed, anticipée par les marchés pour le 20 mars, tandis que les réunions de l'Opep et du G7 sont prévues pour le mois de juin.

"C'est une ère d'expansion et de récession", a déclaré Elyas Galou, ajoutant: "Nous ne sommes pas sortis du bois."

(Reportage Marc Jones, version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)