par Jake Cordell

TBILISSI, 8 mars (Reuters) - Des milliers de personnes se sont rassemblées mercredi dans le centre de la capitale géorgienne Tbilissi pour protester pour une deuxième journée consécutive contre un projet de loi sur les "agents étrangers" considéré par ses détracteurs comme le signal d'un virage autoritaire dans le pays.

A la tombée de la nuit, la police a fait usage de canons à eau et de grenades assourdissantes pour disperser plusieurs dizaines de personnes qui étaient parvenues à franchir une barrière en métal érigée pour protéger le Parlement, près duquel s'étaient rassemblés les manifestants.

Le texte controversé a été approuvé mardi en première lecture par les députés. Il impose à toute organisation dont l'existence dépend à au moins 20% de fonds provenant de l'étranger de s'enregistrer comme "agent étranger", sous peine de se voir infliger des amendes importantes.

Rêve géorgien, le parti au pouvoir, dit s'être inspiré pour son projet de loi d'une réglementation américaine datant des années 1930.

Les détracteurs du texte, dont la présidente Salomé Zourabichvili, dénoncent des similitudes avec une loi russe utilisée par le Kremlin pour réprimer les opposants et estiment que la mesure pourrait nuire aux chances de la Géorgie d'intégrer l'Union européenne.

De violents incidents avaient opposé mardi soir forces de l'ordre et manifestants, dont certains ont lancé des cocktails Molotov et des pierres contre la police.

Alors qu'un rassemblement était prévu pour la Journée du droit de la femme, jour férié dans le pays, des milliers de manifestants ont fait route vers le Parlement en fin de journée, brandissant des drapeaux géorgiens et de l'UE et scandant "non à la loi russe".

Élue en 2018 avec l'appui de Rêve géorgien, qui dispose de la majorité parlementaire, Salomé Zourabichvili a pris depuis lors ses distances avec le parti gouvernemental. La cheffe de l'Etat, pro-Europe, a apporté son soutien aux manifestants et indiqué qu'elle opposerait son veto au projet de loi - les députés peuvent toutefois passer outre une telle décision.

Aux yeux de ses détracteurs, Rêve géorgien est trop proche de Moscou et a enclenché ces dernières années un virage jugé trop répressif, alors qu'un sentiment anti-Russie habite une majorité de la population depuis les tensions autour de deux régions séparatistes qui ont donné lieu à une courte guerre en 2008. (Reportage Jake Cordell, avec David Chkhikvishvili et Ben Tavener; version française Jean Terzian)