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par Ben Blanchard et Joseph Campbell

TAIPEI/TAINAN, Taïwan, 13 janvier (Reuters) - Le décompte des voix a commencé samedi à Taïwan dans le cadre des élections législatives et présidentielle présentées par la Chine comme un choix entre la guerre et la paix et qui se déroulent dans un contexte d'intensification de la pression de Pékin pour que l'île se soumette à sa souveraineté.

Les bureaux de vote ont fermé à 16 heures (8 heures GMT) et le dépouillement manuel a débuté peu après. Le résultat de l'élection présidentielle devrait être connu samedi soir à l'issue de ce scrutin uninominal majoritaire à un tour brigué par trois candidats.

Taïwan est un exemple de réussite démocratique depuis qu'elle a organisé sa première élection présidentielle directe en 1996, point culminant de décennies de lutte contre un régime autoritaire et la loi martiale.

Le Parti démocratique progressiste (DPP) au pouvoir, qui défend l'identité distincte de Taïwan et rejette les revendications territoriales de la Chine, brigue un troisième mandat. Son candidat est le vice-président de Taïwan, Lai Ching-te.

S'adressant aux journalistes dans la ville de Tainan, au sud du pays, avant le scrutin, Lai Ching-te a exhorté ses citoyens à se rendre nombreux aux urnes.

"Chaque vote est important, car il s'agit de la démocratie taïwanaise durement obtenue", a-t-il déclaré.

Durant la campagne électorale, la Chine a dépeint Lai Ching-te comme un dangereux séparatiste et a rejeté les appels au dialogue du candidat. Lai Ching-te s'est engagé à préserver la paix dans le détroit de Taïwan et à développer les défenses de l'île.

Le ministère taïwanais de la Défense a indiqué samedi matin avoir de nouveau repéré des ballons chinois traversant le détroit, l'un ayant même survolé Taïwan. Le mois dernier, lorsque plusieurs ballons avaient été signalés au-dessus du détroit, le ministère avait estimé qu'il s'agissait d'une guerre psychologique et d'une menace pour la sécurité de l'aviation.

"Personne ne veut la guerre", a déclaré une femme d'affaires, Jennifer Lu, âgée de 36 ans, jouant sur une pelouse avec sa fille après s'être rendue dans la matinée dans un bureau de vote dans le district de Songshan, à Taipei, par un temps ensoleillé.

RÉSULTAT DIFFICILE À PRÉDIRE

Deux rivaux disputent à Lai Ching-te le poste de président: d'une part Hou Yu-ih, issu du Kuomintang (KMT), principal parti d'opposition favorable à un rapprochement avec la Chine, et d'autre part l'ancien maire de Taipei, Ko Wen-je, venu du Parti populaire taïwanais (TPP), fondé en 2019.

La Chine revendique Taïwan comme l'une de ses provinces.

Hou Yu-ih souhaite renouer les relations avec la Chine en commençant par des échanges entre les deux peuples et a, comme Pékin, accusé Lai Ching-te de soutenir l'indépendance formelle de Taïwan. Lai Ching-te affirme que Hou Yu-ih est pro-Pékin, ce que ce dernier rejette.

Quant à Ko Wen-je, soutenu notamment par de jeunes électeurs après une campagne centrée en particulier sur le coût élevé du logement, il souhaite également renouer avec la Chine, mais insiste sur le fait que cela ne peut se faire au détriment de la démocratie et du mode de vie taïwanais.

A l'issue d'un vote dans un lycée de Taipei, Ko Wen-je a déclaré à la presse être "calme" et avoir bien dormi la nuit précédant le scrutin.

Outre l'élection présidentielle, les Taïwanais doivent également se prononcer pour les législatives, un scrutin tout aussi important, surtout si aucun parti n'obtient la majorité, ce qui pourrait entraver la capacité du nouveau président à faire adopter des lois et engager des dépenses, notamment en matière de défense.

"En comparaison des élections précédentes, le résultat de ce scrutin est très difficile à prédire", a déclaré Liao Jeng-wen, âgé 44 ans et salarié dans le secteur de la finance, après avoir voté tôt samedi. "Le prochain dirigeant de Taïwan devrait réfléchir aux moyens de s'entendre pacifiquement avec la Chine (...) De nombreux Taïwanais pensent que nous devrions maintenir le statu quo", a-t-il ajouté.

La constitution interdit à la présidente sortante, Tsai Ing-wen, de se représenter après deux mandats à la tête du pays. (Reportage Ben Blanchard, Sarah Wu et James Pomfret; version française Claude Chendjou)