Avec l'effondrement de la demande des compagnies aériennes et les restrictions sur les voyages imposées par de nombreux pays, les deux principaux avionneurs et leurs équipementiers doivent utiliser avec parcimonie leurs liquidités pour ne pas se retrouver à sec.

Moody's a abaissé à négatif contre stable sa perspective pour le secteur de l'aéronautique et de la défense et a prévenu que la demande des compagnies aériennes allait continuer de pâtir de la crise sanitaire en cours même lorsqu'elle serait terminée.

La capacité mondiale en termes de trafic passagers a baissé de 35% la semaine dernière, la pire chute depuis le début de la pandémie, selon les données du cabinet spécialisé OAG, qui s'attend à un recul encore plus marqué dans les semaines à venir.

Depuis le début de l'année, plus de 2.500 avions sont cloués au sol, montrent les données du cabinet d'études Cirium. Les voies de circulation entre les piste et le tarmac, les hangars de maintenance et même les pistes d'atterrissage et décollage dans les principaux aéroports sont devenus des parkings géants.

Aux Etats-Unis, les principaux transporteurs aériens se préparent à une éventuelle interruption du trafic passager intérieur, selon quatre sources, bien qu'aucun projet en sens n'a encore été décidé. Donald Trump a même déclaré lundi qu'il n'envisageait pas d'interdire les vols intérieurs.

Boeing va interrompre à partir de mercredi, et pendant 14 jours, la production des 787 et 777 dans l'Etat de Washington.

C'est la deuxième fois que l'avionneur américain décide de fermer ses principales chaînes de montage après l'arrêt de la production en janvier dernier de son 737 MAX consécutive à deux catastrophes aériennes en Indonésie puis en Ethiopie ayant entraîné son immobilisation dans le monde entier.

Boeing a demandé la semaine dernière à Washington un soutien de 60 milliards de dollars pour le secteur aéronautique et selon quatre sources proches du dossier, les parlementaires américains songent à transformer une partie du prêt de 58 milliards de dollars au secteur en une aide qui ne sera pas remboursée.

Le brésilien Embraer, troisième constructeur aéronautique au monde, a demandé lundi à ses salariés assurant des tâches non essentielles de se mettre en congés jusqu'au 31 mars. D'autres mesures pourraient être annoncées cette semaine.

Le canadien Bombardier pour sa part a décidé de suspendre sa production d'avions d'affaires dans ses usines des provinces de l'Ontario et du Québec, selon une source proche du dossier.

Airbus de son côté a signé lundi une nouvelle facilité de crédit de 15 milliards d'euros, suspendu ses prévisions pour 2020 et appelé "à une aide gouvernementale forte" au secteur du transport aérien, sans soutien direct des Etats.

MENACE SUR LES EMPLOIS

La semaine dernière, Norwegian Air a annoncé qu'il allait annuler 85% de ses vols et mettre au chômage technique près de 90% de ses salariés.. Mardi, le groupe norvégien a déclaré avoir obtenu auprès de l'Etat une première injection de liquidités de 300 millions de couronnes norvégiennes (24,5 millions d'euros).

Pour les dirigeants du secteur aéronautique, la principale menace pèse sur la chaîne d'approvisionnement car l'arrêt brusque et la reprise de la production des avions met en grande difficulté des milliers de fournisseurs, déjà affectés par l'immobilisation des 737 MAX.

Dans une lettre adressée lundi au Congrès américain, l'organisation syndicale International Association of Machinists and Aerospace Workers écrit que plus de 500.000 emplois dans l'industrie aéronautique pourraient être menacés aux Etats-Unis et appelle à un plan d'aide.

Dans une lettre au personnel, le motoriste GE Aviation a fait part de son intention de réduire ses effectifs d'environ 10% aux Etats-Unis.

Le groupe canadien CAE, spécialisé dans les solutions de formation dans l'aviation, a décidé de licencier 465 personnes dans la production et de réduire ses dépenses en compressant notamment les salaires de ses cadres et les investissement.

Le motoriste allemand MTU Aero Engines va arrêter sa production dans certaines usines européennes pendant trois semaines.

(avec Tim Hepher à Paris, David Shepardson à Washington, Tracy Rucinski à Chicago, Allison Lampert à Montreal, Ankit Ajmera à Bangalore, Marcelo Rochabrun à Sao Paolo et Eric M Johnson à Seattle; version française Claude Chendjou, édité par Henri-Pierre André)

par Jamie Freed et Allison Lampert