Cette double initiative, au lendemain d'une décision comparable de la banque centrale suisse, fait suite à plusieurs avertissements de la part de Tokyo qui redoute que le yen fort ne fragilise le redémarrage de l'activité japonaise après le séisme et le tsunami du 11 mars.

Le ministre des Finances Yoshihiko Noda a déclaré que le Japon avait prévenu ses partenaires mais qu'il était intervenu de façon unilatérale pour mettre un terme à ce qu'il considère comme des mouvements spéculatifs sur les changes.

Selon des traders, Tokyo vendait du yen en matinée à Londres, ce qui poussait la devise à la baisse face au dollar.

Le billet vert, qui s'échangeait à 77 yens environ mercredi soir, est remonté jusqu'à 79,48 yens jeudi sur la plate-forme électronique EBS. De son côté, l'euro grimpait de 3% sur la séance à 113,78 yens.

"Le Japon se remet à peine d'une catastrophe naturelle, il était donc certain que ces mouvements sur les changes auraient un impact négatif sur l'économie et les marchés financiers. Nous avons par conséquent procédé à cette intervention", a dit Yoshihiko Noda lors d'une conférence de presse.

Il n'a pas précisé l'ampleur de l'intervention et n'a pas voulu dire non plus quelles devises le Japon achetait ou vendait.

PROGRAMME DE RACHATS D'ACTIFS RENFORCÉ

Au cours du mois écoulé, la devise japonaise s'était appréciée de près de 5% face au dollar, flirtant lundi avec son record et pénalisant dangereusement les exportations japonaises.

Mercredi, le vice-président exécutif de Suzuki Motor, Toshihiro Suzuki, se disait "très triste" qu'aucune action ne soit entreprise contre le yen fort.

Le ministre de l'Economie Kaoru Yosano a déclaré jeudi que l'intervention était nécessaire parce que les mouvements sur les changes ne reflétaient pas les fondamentaux économiques.

Anticipant d'une journée sa décision sur les taux, la Banque du Japon (BoJ) a emboîté le pas aux autorités gouvernementales et assoupli sa politique monétaire, déjà très accommodante, en renforçant son programme de rachats d'actifs.

Les neuf membres du conseil de politique monétaire de la BoJ ont voté à l'unanimité cette mesure, qui accroît de 5.000 milliards de yens (44 milliards d'euros) un programme qui prévoyait déjà 10.000 milliards de yens (88 milliards d'euros) de rachats.

La banque centrale a par ailleurs maintenu son principal taux directeur à son très bas niveau, soit dans une marge comprise entre 0,0% et 0,1%.

Les efforts du Japon font suite à la décision de la Banque nationale suisse de contrer ce qu'elle considère comme une "surévaluation extrême" du franc.

"Si le Japon n'avait pas réagi, cela aurait poussé le yen encore plus haut", commente Nagayuki Yamagishi, de Mitsubishi UFJ Morgan Stanley Securities. "Une réponse devait être entreprise rapidement pour éviter tout renforcement supplémentaire du yen."

"L'IMPACT POURRAIT SE DISSIPER RAPIDEMENT"

Les interventions japonaise et suisse pourraient mettre sous pression la Banque centrale européenne, dont le conseil des gouverneurs se réunit jeudi, pour qu'elle prenne des mesures étant donné que la crise de la dette en zone euro apparaît comme l'un des facteurs majeurs de l'envolée du yen et du franc.

Pour certains acteurs du marché des devises, le dollar risque de perdre de nouveau du terrain si la statistique américaine des créations d'emplois attendue vendredi vient renforcer les craintes d'une rechute économique aux Etats-Unis.

Pour Takashi Kamiya, chef économiste chez T&D Asset Management, "la progression du yen reflète la difficile situation économique et budgétaire tant aux Etats-Unis que dans la zone euro".

"Par conséquent, même si le Japon intervient sur le marché, il ne sera pas en mesure de combattre seul et à long terme l'appréciation du yen", ajoute-t-il.

"L'impact de cette intervention pourrait se dissiper rapidement, le sentiment que le yen reste une devise refuge restant inchangé du fait des inquiétudes concernant l'économie mondiale", confirme Makoto Nagahori, d'Instinet.

La précédente intervention du Japon sur le marché des changes remontait au mois de mars, dans la foulée de la catastrophe naturelle. Tokyo avait alors agi de concert avec ses partenaires du G7.

Jean Décotte pour le service français, édité par Dominique Rodriguez