L'exécutif européen cherche à déterminer si les pratiques du fabricant américain de puces constituent une entrave à la concurrence.

"Nous suspectons Broadcom, un fournisseur important de composants pour les décodeurs de télévision et les modems, d'avoir mis en place des restrictions contractuelles visant à exclure ses concurrents du marché, ce qui empêcherait ses clients et, en fin de compte, les consommateurs, de profiter des avantages qu'offrent le choix et l'innovation", déclare Margrethe Vestager, la commissaire à la Concurrence, citée dans un communiqué.

"Nous avons également l'intention d'enjoindre à Broadcom de mettre fin à son comportement le temps de notre enquête, pour éviter tout risque de préjudice grave et irréparable à la concurrence", ajoute-t-elle.

C'est la première fois depuis 18 ans que la Commission envisage d'imposer des mesures provisoires le temps d'une enquête. Elle justifie cette procédure par la domination présumée de Broadcom sur les marchés de la télévision et de composants pour modems et en raison des accords d'exclusivité conclus entre le groupe américain et sept grands clients.

La Commission a adressé ses griefs à Broadcom et lui a donné deux semaines pour y répondre. Le groupe peut aussi solliciter une audience à huis clos pour se défendre.

Des mesures provisoires ne peuvent être imposées que lorsque le comportement d'une entreprise constitue à première vue une infraction aux règles de concurrence et qu'il existe un risque de préjudice grave et irréparable pour la concurrence, rappelle la Commission, soulignant la gravité de sa décision.

L'UE a imposé de telles mesures à l'assureur allemand IMS Health en 2001.

SIGNAL FORT

Tommaso Valletti, chef économiste de la Commission, voit dans cette décision un signal fort.

"C'est une bonne initiative parce qu'elle montre à l'entreprise: vous avez commis un acte potentiellement néfaste. Mettez y fin tout de suite. Effet immédiat. En la prolongeant, vous évincez les autres, cela doit donc s'arrêter maintenant, pas dans 10 ans", écrit-il dans un tweet.

Parmi les pratiques contestées de Broadcom figurent, selon la Commission, l'établissement d'obligations d'achat exclusif, l'octroi de rabais ou d'autres avantages subordonnés à l'exclusivité ou à des exigences minimales d'achat, l'offre groupée de produits, des pratiques abusives liées à la propriété intellectuelle, la dégradation délibérée de l'interopérabilité entre les produits de Broadcom et les autres produits.

Broadcom a déclaré qu'il respectait les règles européennes de la concurrence et que ces inquiétudes étaient "sans fondement".

Dans un document déposé auprès des autorités américaines de régulation, le groupe de San Jose, en Californie, a déclaré ne pas s'attendre à ce que cette décision ait un impact significatif sur ses activités de décodeurs ou de modems à haut débit.

Les mesures provisoires envisagées par la Commission n'empêcheront pas Broadcom de continuer à vendre des produits, a-t-il déclaré.

La Commission européenne peut infliger à une entreprise reconnue coupable d'infraction aux règles de la concurrence une amende représentant jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires. Google, filiale d'Alphabet, et Qualcomm ont écopé ces dernières années de lourdes amendes en raison de leurs pratiques jugées anticoncurrentielles.

(Claude Chendjou pour le service français, édité par Bertrand Boucey)

par Foo Yun Chee

Valeurs citées dans l'article : Qualcomm, Alphabet, Broadcom Inc