Il faut le dire, Casino a surpris pas mal de monde avec l'annonce parue jeudi soir après la clôture du marché parisien. Le groupe, qui veut - c'est louable compte tenu de sa situation - renforcer sa structure financière en négociant "l’extension de l’intégralité de ses lignes confirmées en France" et en prévoyant "de lever des nouveaux financements… afin de refinancer une partie de sa dette existante". Le distributeur veut obtenir un crédit syndiqué de 2 Mds€ d'échéance 2023 pour remplacer ses lignes existantes. Il a obtenu 1,6 Md€ d'engagements par 14 établissements et poursuit les négociations pour le solde.

Dans le même temps, Casino annonce son intention de lever 1,5 Md€ de financements sous deux formes, prêt à terme et "autre instrument de dette sécurisée" d'échéance 2024, pour refinancer en partie la dette existante (les obligations 2020, 2021 et 2022).

Les deux opérations sont intimement liées : les banques ne participeront au crédit syndiqué que si Casino obtient 1 Md€ d'argent frais, via les opérations précitées et/ou de nouvelles cessions d'actifs. De surcroît, les banques créancières ont exigé de nouveaux covenants, notamment la forte limitation du dividende, et bénéficieront de sûretés sur les filiales opérationnelles en France, sur Casino Finance et sur les holdings qui hébergent les participations en Amérique Latine. Ces sûretés bénéficieront aussi aux investisseurs du prêt à terme. Ceux qui s'engageront sur l'"autre instrument de dette sécurisée" auront des sûretés sur les titres d'Immobilière Groupe Casino, forte de 1 Md€ d'actifs immobiliers en France. 

Graphique Casino, Guichard-Perrachon SA

Une opportunité ou une nécessité ?

"Ma première pensée, la société n'était-elle pas faiblement endettée, avec une dette en contraction rapide et une liquidité déjà très forte, selon les derniers résultats. Peut-être pas ?", ironise Bruno Monteyne, en charge de la distribution chez Bernstein, qui ne ménage pas le groupe depuis quelques mois. L'analyste a notamment calculé que le covenant lié au dividende risquait de réduire le dividende d'environ 65% par rapport à sa modélisation actuelle. Quant à savoir pourquoi Casino et ses banques veulent signer une nouvelle ligne de crédit, c'est encore un peu flou. "Casino a probablement déjà utilisé sa ligne de crédit non-sécurisée pour les obligations qui sont arrivées à maturité. Les banques pourraient, à juste titre, être extrêmement nerveuse au sujet du reste de la dette non-sécurisée du distributeur", avance Monteyne, qui craint que la nouvelle ligne soit chère payée (ses modalités sont inconnues, puisqu'elle n'est pas encore signée).

"La principale interrogation est de savoir s'il s'agit d'une volonté des banques de sécuriser leur accès aux actifs de Casino ou de la volonté de la société d'améliorer le profil de sa dette", poursuit l'analyste, qui a déjà sa petite idée. "Le fait que cela intervienne avec de grosses restrictions sur le dividende, des financements préalables et de nouveaux convenants laisse penser que ce sont les banques qui avaient la main lors des discussions".

Jeudi 24 octobre, le distributeur a publié la présentation destinée à ses prêteurs.  Dans la journée, on apprenait aussi que Leclerc serait en train de négocier le rachat de 60 hypermarchés Géant, pour un montant qui pourrait représenter 1,5 Md€. L'action Casino s'adjugeait 3% au-dessus des 45 EUR après la rumeur.  Géant possède environ 120 magasins en France.