Le titre du distributeur, après avoir gagné jusqu'à 9,6% en début de matinée, n'avance plus que de 0,79% à 33,18 euros à 13h15. Il reste ainsi proche d'un plus bas historique à 32,44 euros touché la veille en séance.

"Finalement, la réaction du marché est assez limitée. Compte tenu du parcours du titre depuis le début de l'année, la hausse aurait dû être largement plus forte ce matin. Je pense qu'il y a une lassitude vis-à-vis de l'ingénierie financière du groupe et des doutes sur les effets de ces cessions", estime un analyste sous couvert d'anonymat.

Casino prévoit de céder pour 1,5 milliard d'euros d'actifs en 2018 et 2019, ce qui devrait permettre de réduire sa dette nette d'un milliard d'euros en 2018.

L'endettement du groupe atteignait 4,1 milliards d'euros à la fin 2017.

Les analystes de Barclays s'interrogent sur le calendrier de cette annonce alors que Casino a fait un point sur sa stratégie en mars et qu'il doit publier ses résultats semestriels en juillet.

Depuis un mois, les craintes se sont accentuées sur les flux de trésorerie du groupe et les échéances de dettes de sa maison mère Rallye, dont les CDS ("credit default swaps", instruments de couverture du risque de défaut) se sont envolés.

Selon Barclays, faute de pouvoir faire appel au marché, Rallye devra tirer des lignes de crédit bancaire et devra pour cela nantir des titres Casino. Or, plus le cours de Casino est bas, plus Rallye a besoin de nantir de titres.

L'action Casino accuse un recul de plus de 23% sur la seule période de début mai à la clôture lundi soir. Elle perd plus de 30% depuis le début de l'année, ce qui en fait l'une des plus mauvaises performances du SBF 120.

Ce n'est pas la première fois que le groupe réagit sous la pression du marché. Attaqué par le fonds Muddy Waters à la fin 2015 pour son manque de transparence et sa pile de dettes, Casino avait été contraint de céder ses très rentables actifs asiatiques pour regagner la confiance des investisseurs.

QUELS ACTIFS CONCERNÉS ?

"Le débat devrait rapidement se tourner vers la nature des actifs qui seront cédés", observent les analystes de Bernstein.

Casino a déclaré lundi soir, sans donner de détails, que les cessions concerneraient notamment des actifs immobiliers. Le groupe en détient pour 3,9 milliards d'euros en France, parmi lesquels 30% sont des murs de Monoprix, 10% des supermarchés Casino, 35% des hypermarchés Géant et 25% des petits commerces.

Le distributeur n'a pas précisé si la foncière Mercialys, dans laquelle il détient plus de 40%, était dans le périmètre des actifs concernés.

L'action Mercialys recule de 0,19% à 13h15, tandis que le titre de la holding Rallye prend 1,98%.

"Une réduction de cette participation (dans Mercialys) pourrait être envisagée", selon les analystes de Société générale.

Les autres actifs non stratégiques sont les cafétérias Casino et Vindemia (distributeur dans l'océan Indien). Casino aurait, selon les analystes, déjà tenté sans succès de vendre ces deux actifs peu rentables.

Le distributeur détient aussi la moitié de Banque Casino, avec le Crédit mutuel-CIC.

"Le groupe va probablement vendre certains murs de magasins (en particulier de supermarchés Monoprix situés dans des zones recherchées à Paris), ce qui pourrait signifier des paiements de loyers à l'avenir", ajoutent les analystes de SocGen.

DES ANALYSTES ENCORE PRUDENTS

Casino a par ailleurs confirmé lundi soir ses objectifs financiers pour 2018 et précisé qu'il anticipait au deuxième trimestre une croissance de ses ventes en données comparables supérieure à celle du premier trimestre.

Son directeur financier Antoine Giscard d'Estaing a déclaré lors d'une conférence téléphonique que le résultat opérationnel du groupe en France serait en progression de plus de 10% en 2018 et au-delà.

La Société générale estime que ces prévisions sont rassurantes et que les cessions d'actifs projetées devraient permettre une revalorisation du titre dans les prochains mois. Elle réitère sa recommandation à l'achat sur la valeur, avec un objectif de cours de 47 euros.

Les analystes de Barclays sont plus réservés. "En dépit des prévisions rassurantes du groupe, nous nous interrogeons sur l'impact de cet important programme de cessions d'actifs sur les niveaux de rentabilité et sa génération de trésorerie à un horizon de moyen-long terme", écrivent-ils.

Ils sont aussi réservés sur la logique de cessions d'actifs dans l'immobilier - qui exposera Casino à l'évolution des loyers de ses magasins - alors que la tendance dans le secteur est plutôt au rachat des murs de magasins.

Même inquiétude affichée chez Goldman Sachs, pour qui les nouvelles cessions d'actifs devraient générer des dépenses opérationnelles supplémentaires liées aux loyers futurs et aux contrats de cession-bail dans une activité déjà en difficulté structurelle.

Le broker américain maintient sa recommandation sur le titre à "vendre" et son objectif de cours à 34 euros.

(Blandine Hénault, avec Pascale Denis, édité par Dominique Rodriguez)