patrons français

PARIS (awp/afp) - Rien de "mirobolant", mais l'occasion d'en savoir plus sur un virage économique potentiellement spectaculaire en Arabie Saoudite: les patrons français oscillent entre espoir et prudence avant la visite du prince héritier Mohammed ben Salmane.

"Une nouvelle coopération, moins axée sur des contrats ponctuels et davantage sur des investissements d'avenir": cette ambition affichée par l'Elysée, et soutenue par Ryad, donne le ton de ce voyage de 48 heures en France, juste après une tournée de trois semaines aux Etats-Unis de l'héritier du trône. Officiellement, ce voyage commence lundi.

"Il ne faut pas s'attendre à des contrats mirobolants", confirme-t-on au Medef International, association qui représente la principale organisation patronale française à l'étranger. Tout au plus, une douzaine de protocoles d'accord devraient être signés dans le tourisme, l'énergie et les transports, a indiqué à l'AFP une source proche de la délégation saoudienne.

Les chefs d'entreprises profiteront surtout de cette occasion pour tenter de cerner les opportunités économiques s'ouvrant à eux, depuis que "MBS" a lancé en 2016 un vaste plan de réformes dans son pays. Baptisé "Vision 2030", ce programme vise à diversifier l'économie du royaume, encore trop dépendante du pétrole, en attirant les investissements étrangers.

Lundi, le Medef International organise un conseil d'affaires franco-saoudien, auquel devraient participer près de 300 personnes. Mardi, un forum des PDG se tiendra au Quai d'Orsay, à l'initiative de la partie saoudienne.

"Il y a beaucoup de communication autour de la +Vision 2030+ du prince héritier, mais il faut un peu plus creuser", souligne-t-on au Medef International.

Si la France n'est que le huitième fournisseur de l'Arabie saoudite - le pays représente seulement 1% des exportations tricolores, essentiellement dans l'aéronautique, les machines-outils et la pharmacie - plusieurs multinationales françaises sont sur les rangs pour décrocher des contrats.

Total et la compagnie nationale Saudi Aramco, qui possèdent depuis 2014 une raffinerie dans l'est du pays, devraient par exemple annoncer un protocole d'accord pour développer en commun un site pétrochimique, selon une source proche du dossier.

De son côté, EDF espère vendre à Ryad des réacteurs nucléaires de type EPR et a été présélectionné pour un projet d'électricité solaire.

- "Plan futuriste" -

MBS "a un plan futuriste, sur les grosses infrastructures de transport, d'énergie renouvelable", souligne à l'AFP Ludovic Subran, chef économiste chez l'assureur-crédit Euler Hermes.

"La France a plein de cartes à jouer, surtout sur les équipements de service public, les transports aéroportuaires, ferroviaires, sur l'eau et l'assainissement, les traitements des déchets", observe-t-il.

Mais les entreprises françaises auront fort à faire pour s'imposer, notamment face à leurs concurrentes d'Outre-Atlantique, très présentes dans le Royaume depuis les années 1970.

"MBS est fasciné par les Américains", alors qu'il éprouve "une certaine condescendance vis-à-vis de la France", explique Denis Bauchard, expert du Moyen-Orient à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

"Dans les mois pour ne pas dire les années récentes, il ne s'est rien passé de significatif dans le domaine des contrats avec l'Arabie saoudite", observe-t-il auprès de l'AFP.

La tâche sera d'autant plus rude pour les Français que "l'Iran est souvent mis dans la balance des contrats", remarque M. Subran.

La levée partielle des sanctions contre le régime iranien a suscité les convoitises de nombreuses sociétés tricolores, avides de pénétrer ce marché de 80 millions d'habitants. Mais ces ambitions sont mal vues par Ryad, grand rival de Téhéran, qui n'hésite pas à jouer de ce levier.

En outre, la purge anti-corruption visant plusieurs princes fin 2017 a sidéré la communauté d'affaires étrangère, en particulier française, qui comptait parmi les personnes arrêtées plusieurs partenaires, a raconté à l'AFP un homme d'affaires sous le couvert de l'anonymat.

Néanmoins, "il sera intéressant de voir l'entente entre Emmanuel Macron et le prince héritier", juge-t-il. Ce dernier "est très jeune, il fonctionne à l'affect, au relationnel, et Macron est très bon pour ça. Cela peut être positif dans la relation bilatérale au sens très large".

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