* Kenya, Ethiopie et Djibouti au programme

* Trois milliards de contrats attendus au Kenya

* Macron poursuit sa stratégie de conquête de l'Afrique anglophone

par Marine Pennetier et John Irish

PARIS, 10 mars (Reuters) - Emmanuel Macron entame lundi une tournée de quatre jours en Afrique de l'Est où il entend mener une offensive de charme en faveur des entreprises françaises pour contrer l'influence croissante de la Chine dans ces marchés en plein expansion.

Après une courte étape à Djibouti, où il passera la nuit de lundi à mardi et où il rencontrera les soldats français déployés sur place, le chef de l'Etat français se rendra ensuite en Ethiopie puis au Kenya, où trois milliards d'euros de contrats seront signés.

"Pour l'ensemble des trois déplacements, il y a un enjeu de renforcement du partenariat économique", souligne-t-on à l'Elysée. "Notre visite arrive à un moment où il y a encore un immense besoin dans ces trois pays de développement d'infrastructures publiques et où ces pays font face à un défi qui est le poids de leur dette, pour certains considérable, qui peut être un frein à de nouveaux investissements publics."

"C'est autour de cette équation que nous sommes attendus parce que nos entreprises sont capables de proposer des modèles de partenariats qui ne pèsent pas, qui n'accroissent pas ce phénomène d'endettement public", ajoute-t-on.

Pour son offensive de charme, Emmanuel Macron sera accompagné - sauf à Djibouti - d'une délégation économique dans laquelle figurent entre autres la présidente de GE Alstom en France, Corinne de Bilbao, le PDG de Danone, Emmanuel Faber, la directrice générale d'Engie, Isabelle Kocher, le PDG d'Orange Stéphane Richard ou encore le PDG d'EDF, Jean-Bernard Levy.

Signe de l'importance accordée à cette tournée par Paris, ce déplacement a été maintenu malgré la crise des "Gilets jaunes" qui persiste en France et qui a contraint le chef de l'Etat depuis décembre à repousser certains déplacements internationaux pour se concentrer sur la scène intérieure.

"IL FAUT ETRE AVENTURIERS"

L'enjeu est effectivement de taille, tant la France a perdu en influence ces dernières années et dans ce contexte l'insistance de l'entourage du chef de l'Etat sur le caractère "historique" de ce déplacement est loin d'être anodine.

A Djibouti, où la France dispose de sa plus grande base militaire d'Afrique, les visites des chefs d'Etat français ces dernières années ont été rares, laissant le champ libre à l'influence grandissante de la Chine et des Etats du Golfe.

"Les Français ont un peu perdu le sens de l'aventure, or il faut être un peu aventurier en matière d'investissements", confiait début 2018 à Reuters un haut responsable au ministère djiboutien des Affaires étrangères.

Résultat, c'est la Chine qui a financé la nouvelle ligne ferroviaire entre Addis Abeba et Djibouti - inaugurée en octobre 2016 - en lieu et place de l'ex-chemin de fer franco-éthiopien mis en service en 1917.

"La France s'est considérée pendant très longtemps en terrain conquis", reconnaît un haut diplomate français basé dans la région. "On ne croyait pas que le chemin de fer pouvait avoir une vraie viabilité économique. Le port, c'est pareil, on n'y croyait pas, c'est Dubaï qui a pris le marché. Aujourd'hui, nos opérateurs commencent à comprendre que c'est un hub régional."

En Ethiopie, où le marché de près de 100 millions d'habitants et l'ouverture politique et économique menée sous l'impulsion du Premier ministre suscitent convoitise et intérêt, la France entend jouer la carte culturelle et celle des liens historiques.

Emmanuel Macron se rendra ainsi mardi sur le site de Lalibela, haut lieu du christianisme éthiopien connu pour ses onze églises creusées dans la roche. Lors d'une visite à Paris en octobre 2018, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avait demandé une coopération renforcée à la France sur ce site.

Aucun accord économique ne devrait être signé pendant la visite au cours de laquelle un accord de coopération en matière de défense, négocié depuis plusieurs mois, sera en revanche signé par la ministre des Armées Florence Parly.

"AFRICAIN COMME BRÉSILIEN"

Au Kenya, où Emmanuel Macron sera le premier président français à se rendre depuis l'indépendance du pays en 1963, trois milliards d'euros de contrats dans les secteurs du transport, des infrastructures, de l'énergie et de la ville durable seront signés.

C'est "historique", se réjouit-on à Paris, où l'on précise que jusqu'à présent le Kenya était un "partenaire commercial relativement mineur" de la France avec, en 2017, entre 150 et 200 millions d'euros d'exportations.

Loin d'être sans lendemain, cette tournée dans la Corne de l'Afrique s'inscrit dans la ligne observée depuis le début de son quinquennat par Emmanuel Macron qui défend un "partenariat renouvelé", axé sur la jeunesse, l'innovation et l'entrepreneuriat, avec le continent africain.

Cette "nouvelle grammaire" du premier président français né après l'indépendance des colonies africaines en 1960 passe également par des déplacements dans des pays anglophones.

Cette évolution était préconisée par les milieux d'affaires qui poussent depuis plusieurs décennies la classe politique française à mener une offensive diplomatique hors du pré-carré francophone face à une concurrence accrue - le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique a été multiplié par vingt depuis 2000.

Pendant son quinquennat, François Hollande avait lui-même déjà amorcé un rapprochement avec plusieurs Etats anglophones dont le Nigeria, première économie du continent, ou encore la Tanzanie.

"Macron remet le compteur à zéro, il n'a jamais connu les colonies et donc il traite avec un Africain comme il le ferait avec un Brésilien", note un ancien ambassadeur de France en Afrique. (avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)

Valeurs citées dans l'article : Danone, Electricité de France, ENGIE, Orange