par Jan Strupczewski

L'activité économique dans la zone euro a subi au premier trimestre la plus forte contraction de son histoire en raison de l'épidémie de coronavirus et des mesures de confinement mises en oeuvre pour la freiner dans la plupart des pays de la région, montre jeudi la première estimation du produit intérieur brut (PIB) publiée par Eurostat.

Le PIB des 19 pays ayant adopté la monnaie unique a reculé de 3,8% par rapport aux trois derniers mois de 2019 et de 3,3% par rapport au premier trimestre de l'an dernier.

Celui de l'ensemble de l'Union européenne a baissé de 3,5% par rapport à octobre-décembre et de 2,7% sur un an, précise Eurostat en soulignant qu'il s'agit des reculs les plus importants enregistrés depuis le début du suivi de ces statistiques en 1995.

Au quatrième trimestre 2019, le PIB de la zone euro avait progressé de 0,1%, celui de l'UE de 0,2%.

Le recul du PIB de la zone euro est plus prononcé que les prévisions des analystes interrogés par Reuters, qui attendaient en moyenne sur une contraction de 3,5% d'un trimestre sur l'autre.

"Le choc provoqué par le COVID-19 et les mesures de confinement instaurées est historiquement rude", commente Louis Boisset, écnonomiste zone euro chez BNP Paribas, en faisant remarquer que le repli est plus marqué que celui du premier trimestre 2009, au coeur de la grande crise financière (-3,2%).

"Au deuxième trimestre, la situation devrait se dégrader davantage", ajoute-t-il.

LA FRANCE PARTICULIÈREMENT TOUCHÉE

La France a fait état en début de journée d'une contraction de son PIB de 5,8% sur janvier-mars, sa chute la plus marquée depuis au moins 1949, et l'Espagne d'une baisse record de 5,2% sur la même période.

Le PIB de l'Italie s'est contracté quant à lui de 4,7%, ce qui fait officiellement entrer la troisième économie de la zone euro dans la récession puisque le PIB avait déjà reculé de 0,3% sur les trois derniers mois de 2019.

"Tous les pays sont massivement touchés, l'ampleur de l'impact dépendant toutefois des mesures sanitaires mises en place" souligne Louis Boisset.

"En France, qui a adopté un régime de confinement relativement long et strict, la chute du PIB est particulièrement marquée (...). Même si nous ne disposons pas encore des chiffres, nous pouvons anticiper que le choc sera moins violent pour l'Allemagne."

Les indices boursiers de référence ont légèrement marqué le coup après l'annonce de la contraction du PIB de la zone euro, s'orientant en baisse modérée.

L'euro a un peu réduit ses modestes gains face au dollar, autour de 1,0876, et le rendement des emprunts d'Etat allemands à 10 ans, taux de référence de la zone euro, a légèrement creusé ses pertes pour céder trois points de base à -0,52%.

L'INFLATION RALENTIT MOINS QUE PRÉVU

Les chiffres des prix à la consommation dans la zone euro, également publiés jeudi, font état d'un ralentissement de l'inflation, à 0,3% sur un mois et 0,4% sur un an en avril, contre 0,7% sur un an en mars.

Ce ralentissement, imputable principalement aux recul des 9,6% sur un an prix de l'énergie, est cependant moins marqué qu'attendu puisque les économistes interrogés par Reuters anticipaient une croissance de l'indice des prix à la consommation de seulement 0,1% sur un an.

Sans les éléments volatils que sont l'énergie et les produits alimentaires frais, la croissance de l'inflation en avril ressort à 1,1% sur un an, contre 1,2% en mars.

Les chiffres du chômage dans la zone euro, qui sont publiés plus tardivement et donc en décalage avec les évolutions de l'économie, montrent un taux en hausse très limitée, à 7,4% en mars après 7,3% en février.

Il ne fait guère que doute que la contraction du PIB va s'accentuer au deuxième trimestre et que le chômage va augmenter, les plus optimistes des analystes ne s'attendant pas à un redémarrage de l'économie avant le troisième trimestre.

"Globalement, les chiffres illustrent la pertinence des mesures monétaires et budgétaires déjà prises mais surtout aussi la nécessité d'accompagner la reprise une fois que le déconfinement par étape aura commencé", commente Louis Boisset.

Les mesures de distanciation sociale et la fermeture de larges pans de l'activité un peu partout condamnent l'économie mondiale à une profonde récession.

L'économie américaine a ainsi subi au premier trimestre sa contraction la plus brutale depuis la grande crise financière avec un repli de 4,8% du PIB, selon une première estimation officielle publiée mercredi.

(Version française Marc Angrand, Laetitia Volga et Patrick Vignal)