Ce qu'il faut retenir dans les grandes lignes : 
 
- L'alliance élargie n'est pas parvenu à s'entendre sur des mesures de restrictions supplémentaires. Le cartel a insisté sur le fait qu'aucune mesure de soutien ne peut être appliquée de manière unilatérale. 
-  Après cet échec, Saudi Aramco a décidé de réduire significativement ses prix de vente vers toutes les destinations et prévoit d'augmenter sa production à plus de 10 millions de barils par jour. 
- Le cours du baril s'effondre de 30% en ce début de semaine, accusant sa plus forte baisse journalière depuis le 17 janvier 1991 (début de la guerre du Golfe).
Un rappel sur l’Organisation des pays exportateurs de pétrole

Crée en 1960 lors de la conférence de Bagdad, les premières missions de l’OPEP (formé par 5 pays : l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Irak, le Koweït et le Venezuela) se limitent à un meilleur contrôle des recettes pétrolières perçues par ses membres. Dès les décennies suivantes, les vagues de nationalisation de l’industrie pétrolière, couplées à une augmentation du nombre de membres et à une plus grande volatilité des cours pétroliers ont rapidement donné un rôle de premier plan au cartel.

Aujourd’hui, l’Institution intergouvernementale qui siège à Vienne compte 14 membres. En plus des membres fondateurs, l’OPEP compte donc dans ses rangs l’Algérie, l’Angola, les Emirats arabes unis, l’Equateur, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la Libye, le Nigeria et le Congo. 
 

 
Un rôle de swing producer …

Avec une production cumulée avoisinant 30% de la production mondiale, pour un contrôle de près de 70% des réserves mondiales de pétrole, l’OPEP s’impose comme le producteur d’appoint, ou « swing producer » des marchés pétroliers. Dit autrement, le cartel, avec en tête de liste l’Arabie Saoudite, dispose d’un poids suffisamment significatif pour affecter le prix du baril en ajustant sa production. L’OPEP a donc pour mission de répondre aux déséquilibres entre l’offre et la demande dans le but de garantir d’une part une stabilité des prix et d’autre part un prix rémunérateur à ses membres. In fine, l’intérêt demeure de limiter la volatilité des cours qui constitue à la fois un fléau pour les équilibres budgétaires des pays producteurs, mais aussi un sérieux frein aux investissements de la filière pétrolière.

… qui s’effrite avec l’essor des hydrocarbures non-conventionnels.

Si le cartel a su, avec plus ou moins de réussite, remplir cette tâche de régulateur, l’essor fulgurant du pétrole de schiste américain remet sérieusement en cause son influence. Beaucoup plus flexibles face à la demande grâce à un cycle d’investissement et de production significativement plus court, les producteurs américains de pétrole de schiste prennent des parts de marché à l’OPEP. Preuve en est, les Etats-Unis tendent à devenir un exportateur net de pétrole.

Face à une demande en berne et l’essor de la production US, l’OPEP perd des parts de marché

Répondant à une logique de suprématie énergétique, les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole, devant la Russie et l’Arabie Saoudite. En dépit de problèmes de rentabilité qui gangrène l’industrie américaine, les progrès technologiques, améliorant constamment le procédé de fracturation hydraulique, ont permis aux producteurs américains de multiplier leur production par deux depuis 2009, à plus de 12 millions de barils par jour.

Cette nouvelle concurrence a poussé l’OPEP à revoir radicalement sa stratégie. Si dans un premier temps, la priorité était à la défense de ses parts de marché face à l’essor de la production US (poussant les prix à la baisse en 2014 jusqu’à 25 USD le baril), le cartel s’est allié pour la première fois à des pays non membres de l’organisation, dont la Russie, pour enrayer la chute des cours via la mise en place de quotas de production.

Le rôle de producteur d’appoint n’est donc plus porté intégralement par l’OPEP. S’il s’agit d’un aveu d’échec pour le cartel, qui ne peut réguler à lui seul les marchés pétroliers, il paraît évident que cette alliance permet à l’OPEP de sauvegarder sa crédibilité, ou du moins ce qu’il en reste. A ce titre, le dernier sommet de l’OPEP et de ses alliés, regroupés sous l’appellation OPEP+, signe la mort de l’OPEP en tant que régulateur. Ce rapprochement confère à Moscou une suprématie quasi-complète sur la politique de l’Organisation.

Vers la fin de l'OPEP ?

La décision de l'Arabie Saoudite fait l'effet comme une bombe sur les marchés pétroliers. Le Royaume, qui s'est toujours efforcé de soutenir les cours pétroliers et de réduire l'excédent pétrolier, rentre désormais dans une phase de guerre des prix. Dit autrement, l'échec des négociations entre l'Opep et la Russie a poussé l'Arabie saoudite a abandonné une stratégie de soutien des prix pour adopter une stratégie de prise de parts de marché, ce qui n'est pas sans rappeler la tactique mise en place en 2014 qui avait fait chuter les prix du brut d'environ deux-tiers. 
Tachons de garder à l'esprit que ce ne sont pas que la Russie ou les Etats-Unis qui vont patirent de cette chute des cours, mais aussi tous les autres membres du cartel, qui n'ont pas la même capacité à encaisser ce choc de prix. Ce nouveau contexte va évidemment compliquer la cohabitation des membres du cartel à cause de cet éternel problème du différent degré de dépendance aux hydrocarbures qui les caractérisent, un problème qui a détruit l'unité de l'OPEP+ et qui met désormais en danger l'OPEP.