Zurich (awp) - Le laboratoire rhénan Polyphor a inscrit sur le premier semestre 2019 un chiffre d'affaires nul et vierge, contre des recettes de 6,5 millions un an plus tôt. Les frais de recherche et de développement ont par contre enflé de plus d'un tiers à 25,3 millions, creusant le déficit net à 27,9 millions de francs suisses contre 20,8 millions fin juin 2018.

La base de comparaison a été retravaillée pour tenir compte de l'abandon forcé des recherches cliniques avancées sur le murepavadin au printemps, précise le compte-rendu publié mercredi.

Confronté à un véto de l'Agence étasunienne des médicaments et produits alimentaires (FDA) sur la poursuite des études "Prism" sur le murepavadin contre la pneumonie nosocomiale, Polyphor est désormais contraint de concentrer ses efforts sur son unique autre traitement expérimental au stade clinique III, l'anticancéreux balixafortide en combinaison avec une chimiothérapie à base d'éribuline.

La direction devise le potentiel de ce traitement expérimental dans la seule indication contre le cancer du sein HER2 négatif à 1,3 milliard de dollars. D'éventuelles autres combinaisons pourraient porter ce potentiel à six ou sept milliards, assure Polyphor.

Le murepavadin sera toutefois toujours développé dans l'indication contre la fibrose kystique, à un dosage devant permettre d'éviter les défaillances rénales ayant mené à son abandon contre la pneumonie acquise en milieu hospitalier. Des études précliniques peu gourmandes en liquidités seront aussi menées pour évaluer l'opportunité d'un redéveloppement.

Fin juin, les réserves de liquidités et équivalents s'élevaient encore à 97,2 millions, contre 133,8 millions six mois plus tôt. Le rythme de combustion sur l'ensemble de l'exercice a été revu à la baisse, tenant compte de l'abandon des phases III sur le murepavadin, dans une fourchette de 60 à 65 millions de francs suisses, contre encore 65 à 80 millions.

La trésorerie devrait fondre jusqu'entre 68 et 72 millions d'ici la fin de l'année.

Parallèlement à ses résultats à mi-parcours, Polyphor annonce une passation de témoin à la tête de ses financiers au premier octobre. L'actuel directeur financier d'Auris Medical, Hernan Levett prendra la succession de Kalina Scott, désireuse de poursuivre d'autres opportunités professionnelles.

Espoirs élevés, risques aussi

La copie rendue ne surprend pas outre-mesure les analystes. La Banque cantonale de Zurich (ZKB) souligne ainsi que si la réorientation sur le balixafortide ne constituait pas une option pour Polyphor, le modèle d'affaires basé sur un unique traitement expérimental comporte toujours un facteur de risque intrinsèque élevé.

L'établissement zurichois ne comprend pas les motivations à poursuivre le développement, même ramené au stade préclinique, d'un produit ayant démontré la toxicité de sa formulation.

Michael Nawrath doute par ailleurs d'une homologation du balixafortide par la FDA avant le premier trimestre 2021 et souligne que ce médicament ne constituerait alors qu'une option de troisième ligne contre le cancer du sein, pour des patientes ne répondant plus aux standards reconnus que représentent l'Ibrance de Pfizer et le Kisqali de Novartis.

L'analyste relativise également la portée de six à sept milliards de potentiel avancés pour de nouvelles combinaisons, notant que ces dernières devraient au préalable faire l'objet d'études pour lesquelles Polyphor ne dispose à ce jour pas de financements.

Moins sévère, UBS note que les récents et futurs remaniements au sein des instances dirigeantes, de même que le coup de frein sur les dépenses, pourraient être perçus comme de modestes catalyseurs pour le cours.

Les investisseurs semblaient ne pas l'entendre de cette oreille. A 10h26, la nominative Polyphor plongeait de 11% à 6,18 francs suisses, contrastant cruellement avec un SPI en hausse de 1,04%. Avant le coup d'arrêt imposé au développement du murepavadin en mai, l'action évoluait encore au-dessus de 25 francs suisses.

jh/fr