Tommy Stubbington et Josie Cox,

The Wall Street Journal

Alors que la croissance économique de la zone euro continue de piétiner, les investisseurs européens se raccrochent aux promesses de la Banque centrale européenne (BCE) comme à une bouée de sauvetage.

Les gérants de fonds ont bon espoir que la BCE parvienne à relancer les marchés et, à terme, l'économie de l'union monétaire... même si ce n'est pas pour demain.

Les indicateurs parus vendredi ont fait état d'une croissance de seulement 0,2% du produit intérieur brut (PIB) de la région au troisième trimestre et le taux annuel d'inflation s'est établi à 0,4% en octobre, bien en deçà de l'objectif de près de 2% fixé par la BCE. Voilà qui n'augure rien de bon pour les entreprises, qui pourraient avoir du mal à relever leurs prix en raison de l'anémie de la demande.

Les marchés d'actions européens sont pourtant loin d'accuser les mêmes turbulences que celles observées à la fin 2011. Les valeurs ont rebondi depuis le mouvement de vente de la mi-octobre et l'indice Euro Stoxx a perdu moins de 8% par rapport à son pic d'après-crise. Il n'est par ailleurs qu'en léger repli depuis le début de l'année.

Mario Draghi rassure les marchés

Les investisseurs ont été rassurés par les propos du président de la BCE, Mario Draghi, qui a déclaré au début du mois que le conseil des gouverneurs était unanime sur les mesures à prendre pour augmenter le bilan de la banque centrale. De nombreux observateurs pensent que la BCE devra procéder au final à des achats d'emprunts d'Etat à grande échelle, répliquant ainsi le programme d'assouplissement quantitatif (QE) de la Réserve fédérale américaine.

Dans le même temps, nombre d'investisseurs constatent qu'après avoir fait preuve d'un optimisme quelque peu excessif en début d'année, les marchés sont revenus à des perspectives plus réalistes.

"Les attentes concernant la croissance européenne sont relativement peu élevées. Sur les marchés d'actions mondiaux, l'Europe paraît bon marché", constate Neil Dwane, responsable des actions européennes chez Allianz Global Investors.

L'indice Stoxx Europe 600 affiche un multiple de 13,9 fois les résultats attendus par les analystes pour 2015, selon FactSet, contre un multiple de 16 pour le S&P 500, ce qui laisse attendre de meilleurs rendements pour les actions européennes au cours des 10 prochaines années, estime Neil Dwane.

Un scénario d'investissement risqué

L'espoir fondé sur la BCE pourrait toutefois être mis à l'épreuve au cours des prochains mois. Tout signe d'hésitation de la part de Mario Draghi pourrait mettre en évidence la fragilité de la reprise du marché d'actions, préviennent certains investisseurs.

"Un scénario d'investissement qui fait fi des fondamentaux et repose sur les éventuelles décisions d'une banque centrale est dangereux", souligne Troy Gayeski, associé chez SkyBridge Capital.

En outre, la BCE doit encore surmonter des obstacles politiques, notamment en Allemagne, avant de pouvoir élargir le périmètre de ses achats d'actifs. Un nouveau ralentissement de l'économie serait probablement nécessaire pour rendre des achats directs d'emprunts d'Etat acceptables, explique Troy Gayeski. En d'autres termes, il va sans doute falloir que la situation se détériore encore sur les marchés d'actions avant qu'un éventuel programme d'assouplissement quantitatif ne leur vienne en aide.

Le QE ne règlerait pas tous les problèmes

Et même si la BCE parvient à mettre en place un programme de rachats d'obligations souveraines, il ne résoudra pas tous les problèmes de la zone euro, prévient Jurgen Odenius, chef économiste chez Prudential Fixed Income.

Les rendements obligataires avoisinent des points bas historiques, ce qui pourrait laisser entendre que les investisseurs se préparent à une longue période de croissance et d'inflation faibles. Ces maigres rendements incitent les investisseurs à se tourner vers les actions. La BCE a opté pour des taux d'intérêt négatifs dans l'optique de dissuader entreprises et ménages de laisser dormir leur argent à la banque.

"Les gens sont sensibles au fait qu'ils doivent payer pour détenir des liquidités en euros", explique Neil Dwane, d'Allianz. "Une grande partie de ces liquidités sera probablement reportée sur des placements en actions, où les rendements sont plus intéressants."

-Tommy Stubbington et Josie Cox, The Wall Street Journal

(Version française Emilie Palvadeau)