Buenos Aires (awp/afp) - L'Argentine est attendue vendredi au tournant du premier remboursement 2022 de sa dette envers le Fonds monétaire international (FMI), à l'orée d'une année d'échéances totalisant 19 milliards de dollars, que la troisième économie d'Amérique latine tente, contre la montre, de renégocier.

Le pays, avec une histoire jalonnée de défauts de paiements et le record historique en la matière -- 100 Mds USD lors de la "Gran Crisis" de 2001 -- doit rembourser vendredi environ 700 millions de dollars, avant une autre échéance début février, une autre en mars, etc.

C'est le legs d'un prêt de 44 milliards de dollars, octroyé en 2018 au précédent gouvernement (centre-droit) et que le gouvernement actuel (centre-gauche) tente depuis deux ans de renégocier. "Le paiement (de vendredi) dépendra de comment avancent les négociations", a souligné encore jeudi la présidence.

L'Argentine est-elle en capacité de rembourser ?

L'Argentine détient un peu moins de 39 Mds USD de réserves brutes internationales. Mais plusieurs analystes considèrent que les réserves en liquide immédiatement mobilisables ne dépassent pas 4 Mds USD.

"Le problème n'est pas le stock de la dette (...) c'est la structure des échéances, le fait qu'il y a une dette très importante auprès du FMI qui expire à court terme", a insisté récemment auprès de l'AFP le ministre de l'Économie, Martin Guzman, répétant le besoin que l'Argentine demande depuis des mois au FMI : "Du temps".

Car en 2022, puis en 2023, les Argentins devront rembourser, entre capital et intérêts, environ 19 Mds USD, puis 4 Mds en 2024.

"Cet argent n'est pas là, ces ressources n'existent pas en Argentine", a réaffirmé sans détour cette semaine une haute source diplomatique argentine à des journalistes.

Que se passera-t-il en cas de non-paiement ?

"Si un créancier privé n'est pas remboursé, il peut recourir à une série d'actions légales. Mais le FMI n'est pas une banque ou un créancier privé, c'est un club de gouvernements, il ne fait pas ce genre de choses", rappelle Gabriel Torres, analyste pour l'Argentine de l'agence de notation Moody's.

"Si on ne paie pas un jour ou deux (...) assurément le FMI peut organiser un délai."

"Avec le Fonds, on n'est pas en +défaut+ de paiement, on entre en retards de paiement", souligne une source diplomatique argentine. "La dette entière n'est pas déclarée +en défaut+. Mais on commence à tomber dans des arriérés, avec les pénalités."

Si le non-paiement se prolonge ou se répète dans le temps, parce que le pays refuse les conditions du remboursement, le FMI peut prendre la mesure extrême d'expulser l'Argentine. "Mais c'est très rare, personne ne pense que cela va se passer", estime Gabriel Torres.

Par contre si l'Argentine cesse de payer, d'autres organisations multilatérales telles la Banque interaméricaine de développement ou la Banque mondiale pourraient couper leurs crédits, fragilisant encore sa situation.

Mais l'impact majeur pourrait concerner le secteur privé, qui souffrirait de voir les crédits à l'export "soudainement stoppés, car tout le monde aurait peur de traiter avec un pays qui ne paie pas le FMI". Alors précisément que l'Argentine mise sur des exportations record pour doper sa reprise.

Et bien sûr, une menace pèserait sur l'inflation. Les Argentins pourraient recourir à l'achat de dollars comme refuge, enfonçant le peso, avec une marge de manoeuvre monétaire réduite pour l'État. "L'inflation peut bondir à 80%, car le point de départ (50% pour 2021) est déjà très élevé", estime l'économiste de Moody's.

Le FMI peut-il accéder aux demandes de l'Argentine ?

Pour Gabriel Torres, le FMI a intérêt à un accord, "parce qu'au bout du compte, c'est pour cela qu'il existe", trouver des solutions pour des pays endettés. Mais il y a des limites à ce que l'institution peut accepter, notamment en termes de déficit budgétaire, de masse monétaire et d'inflation, vices chroniques de l'Argentine.

"Si le FMI pousse l'Argentine dans une situation déstabilisante" alors qu'elle se relève après trois ans de récession, "il aura une légitimité moindre à l'avenir, au moment où d'autres pays devront décider s'ils se tournent ou non vers lui", a mis en garde Martin Guzman.

"Nous nous attendons à ce que le gouvernement finisse par arriver à un accord, même s'il résiste. Mais je dirais aussi que cet accord va être difficile à respecter" sur le plan macroéconomique intérieur, conclut l'analyste de Moody's.

afp/rp