Les autorités européennes sont bien conscientes du problème. Elles ont monté un groupe de travail mi-2017. Ses conclusions ont été transmises aux autorités concernées. C'est ce rapport "confidentiel" qu'a pu lire le quotidien britannique des affaires. Les autorités de supervision financière de l'UE y brocardent notamment les décalages de prise en considération du problème entre pays membres et la mauvaise volonté parfois affichée dans la collaboration. Ce rapport fait suite à plusieurs affaires embarrassantes, comme celle de la Danske Bank, dont la filiale en Estonie aurait été une grande lessiveuse à argent sale pour de riches ressortissants de l'ancien bloc soviétique. Ou celle de la banque lettone ABLV, citée dans le financement du programme nucléaire nord-coréen, un rôle d'ailleurs éventé par les Etats-Unis et non par l'Europe, ce qui fait encore plus désordre.

Réticences et effectifs riquiqui

Le rapport, établi par un groupe d'experts comprenant l'Agence de supervision bancaire européenne (EBA) ou la Commission, critique pêle-mêle des législations inégales, une coopération très perfectible et le manque de moyens, alors que le cadre réglementaire actuel permettrait d'être plus strict. L'un des problèmes qui perdure, si l'on met de côté l'incroyable capacité des pays de l'Union à diverger sur des sujets aussi capitaux et consensuels, est la prédominance de législations largement nationales pour les questions touchant au blanchiment, à géométrie fort variable. Mais le problème vient aussi d'en haut. Le 'FT' dévoile en effet que les effectifs dédiés au blanchiment sont étiques : 1,8 équivalent temps plein au sein de l'EBA.

Cocorico

En France, la filière est plutôt bien organisée avec Tracfin, la cellule de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme créée en 1990. Elle comptait 151 agents fin 2017. Le service a traité plus de 71 000 informations l'année dernière (+10% en un an mais +160% en 5 ans), pour 12 518 enquêtes menées, lesquelles ont débouché sur 891 notes à l'autorité judiciaire et 1 725 aux administrations associées. Mais tous les Etats européens sont loin d'être égaux en la matière. Une harmonisation s'impose.