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WASHINGTON, 10 juin (Reuters) - Annonce surprise, annulation-choc, reprise des discussions préparatoires et relance spectaculaire: l'organisation du sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un mardi à Singapour a vécu de nombreux aléas.

Les enjeux de ce rendez-vous programmé dans un hôtel de luxe sur la petite île de Sentosa sont à la hauteur de son caractère historique: jamais un président des Etats-Unis en exercice et un dirigeant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) ne se sont rencontrés.

Les Etats-Unis veulent obtenir à terme la dénucléarisation de la Corée du Nord, promettant en retour de lever les sanctions économiques et d'apporter la prospérité au pays.

10 FEVRIER 2018

Reçue par le président sud-coréen Moon Jae-in en marge des Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang, la soeur cadette de Kim Jong-un, Kim Yo-jong, lui transmet une invitation de son frère à une rencontre. Deux sommets seulement ont eu lieu entre les deux Corées, en juin 2000 et en octobre 2007, en pleine "politique du rayon de soleil" que Moon, élu en mai 2017, veut réactiver.

8 MARS

Surprise à la Maison blanche: le conseiller sud-coréen à la sécurité nationale, qui vient d'être reçu par Donald Trump, annonce que le président américain est prêt à rencontrer Kim Jong-un.

Chung Eui-yong, qui était quelques jours plus tôt à Pyongyang, ajoute que le leader nord-coréen s'est engagé à oeuvrer à la "dénucléarisation" de la péninsule coréenne et à suspendre "tout nouveau test nucléaire ou de missile".

Dans la soirée, Trump confirme sur Twitter qu'"une réunion est en préparation". Il précise que "de gros progrès sont faits mais les sanctions resteront maintenues jusqu'à ce qu'un accord soit conclu".

9 MARS

Sarah Sanders, la porte-parole de la Maison blanche, précise que "le président ne participera pas à la rencontre s'il n'y a pas de mesures concrètes, d'actes concrets de la part de la Corée du Nord".

31 MARS-1ER AVRIL

Mike Pompeo, nommé par Trump à la tête du département d'Etat en remplacement de Rex Tillerson mais encore directeur de la CIA, effectue un déplacement secret à Pyongyang, où il s'entretient avec le dirigeant nord-coréen. Jamais un officiel américain de son rang n'avait rencontré Kim Jong-un. La mission ne sera rendue publique que le 17 avril.

27 AVRIL

Le président sud-coréen Moon Jae-in et le numéro un nord-coréen Kim Jong-un se rencontrent à Panmunjom, "village de la trêve" situé sur la frontière commune. Les deux dirigeants s'engagent sur la voie de la réconciliation, promettant la "dénucléarisation complète" de la péninsule coréenne et l'établissement d'une paix "permanente" et "solide" entre leurs pays toujours techniquement en guerre depuis 1953.

Donald Trump parle d'une étape "historique" sur la voie d'un règlement du conflit coréen. "De bonnes choses se produisent mais seul l'avenir nous dira ce qu'il en est", ajoute-t-il sur Twitter.

9 MAI

Nouveau déplacement de Mike Pompeo à Pyongyang. Il revient accompagné de trois ressortissants américains qui étaient détenus en Corée du Nord.

10 MAI

Trump annonce sur Twitter qu'il rencontrera Kim le 12 juin à Singapour. "Nous essaierons tous les deux d'en faire un moment très particulier pour la Paix dans le Monde!", ajoute le président américain.

16 MAI

La Corée du Nord sème le doute sur la tenue du sommet de Singapour. Cité par l'agence officielle de presse KCNA, le premier vice-ministre des Affaires étrangères nord-coréen Kim Kye-gwan prévient que Pyongyang reconsidérera ce rendez-vous si les Etats-Unis continuent à insister sur une dénucléarisation unilatérale.

La RPDC dénonce aussi la tenue de manoeuvres militaires communes entre les Etats-Unis et la Corée du Sud et s'en prend au nouveau conseiller national à la Sécurité de Donald Trump, John Bolton.

24 MAI

"Compte tenu de l'immense colère et de l'hostilité affichée dans vos déclarations les plus récentes, je pense qu'il est inopportun, à de stade, d'avoir cette réunion prévue depuis longtemps.

"En conséquence, acceptez s'il vous plaît que cette lettre annonce que le sommet de Singapour, pour le bien des deux parties, mais au préjudice du monde, n'aura pas lieu": dans une lettre adressée à Kim, Trump annule le sommet de Singapour.

"Vous parlez de vos capacités nucléaires, mais les nôtres sont tellement gigantesques et puissantes que je prie Dieu qu'elles n'aient jamais besoin d'être utilisées", ajoute-t-il, menaçant.

25 MAI

S'exprimant 24 heures plus tard devant des journalistes à la Maison blanche, Trump laisse entendre que le sommet pourrait finalement bien avoir lieu, peut-être même le 12 juin. Il fait état un peu plus tard sur Twitter de "discussions très productives avec la Corée du Nord sur un rétablissement du sommet".

La nuit précédente, le régime de Pyongyang a réagi à sa lettre en disant regretter l'annulation du sommet et se disant toujours "ouvert" au dialogue. "Nous avions espéré qu'une 'solution à la Trump' serait une manière sage d'alléger les inquiétudes de part et d'autre, de respecter nos exigences et de résoudre les problèmes de manière réaliste", observe Kim Kye-gwan, vice-ministre des Affaires étrangères.

26-27 MAI

Nouvelle rencontre entre Moon Jae-in et Kim Jong-un le 26 mai sur la DMZ. Cette fois, leur entrevue n'a pas été annoncée à l'avance. Le président Moon précisera le lendemain qu'elle a été sollicitée par Kim et que le dirigeant nord-coréen lui a redit son engagement en faveur d'une dénucléarisation "complète" de la péninsule et de la tenue du sommet prévu avec Trump.

A Washington, Trump déclare devant la presse: "Nous progressons très bien sur le sommet avec la Corée du Nord. Ça progresse parfaitement. Nous envisageons donc le 12 juin à Singapour. Ça n'a pas changé, nous verrons donc ce qui se passe."

Le 27 mai, il annonce qu'une délégation américaine est arrivée à Pyongyang "pour les préparatifs du sommet entre Kim Jong-un et moi". "Je crois que la Corée du Nord a un excellent potentiel et deviendra un jour une grande nation économique et financière. Kim Jong-un est d'accord avec moi sur cela", ajoute-t-il.

30 MAI-1ER JUIN

Kim Yong-chol, proche collaborateur de Kim Jong-un et vice-président du Comité central du Parti des travailleurs, le parti unique au pouvoir à Pyongyang, est en visite aux Etats-Unis.

Après un entretien à New York avec Pompeo au premier jour de sa visite, il est reçu le lendemain à la Maison blanche par Trump, à qui il remet une lettre du dirigeant nord-coréen. A l'issue de leur discussion, le président américain annonce que le sommet de tiendra bien le 12 juin à Singapour.

4 JUIN

A quelques jours du sommet, les trois plus hauts gradés de l'état-major nord-coréens ont été limogés et remplacés, apprend-on de source américaine,

"Si Kim Jong-un veut faire la paix avec les Etats-Unis et la Corée du Sud et négocier une sortie au moins partielle du programme nucléaire, il va falloir qu'il limite l'influence de l'armée", commente Ken Gause, de l'institut de recherche et d'analyses CNA. "Ce remaniement a placé au premier plan les officiers qui sont justement capables de faire ça. Ils sont fidèles à Kim Jong-un et à personne d'autre", ajoute-t-il.

(Bureaux de Reuters Édité par Henri-Pierre André)