10/09/2019

Edito de Cédric Benoist

Les mesures anti-dumping proposées par la Commission sur les importations d'engrais UAN sont à la fois disproportionnées et discriminatoires

Le 11 septembre, le comité sur les instruments de défense commerciale de l'UE se penchera sur la proposition de la Commission visant à mettre en œuvre des mesures anti-dumpingsur les importations d'UAN (mélange d'urée et de nitrate d'ammonium)1 provenant de la Russie, de Trinité et Tobago et des États-Unis.Ce qui, à première vue, peut sembler une décision technique aride, pourrait se révéler un nouveau coup dur pour de nombreux agriculteurs en Europe. L'approbation de cette proposition pourrait grever notre compétitivité et nos revenus. Pire encore, le raisonnement de la Commission pour appliquer des mesures de protection pour soutenir les entreprises européennes d'engrais repose sur une analyse incomplète. Les agriculteurs qui utilisent des engrais UAN n'auront d'autre choix que de payer le prix fort (une fois encore...). Cette décision ne fera peut être pas les gros titres dans les prochains jours, mais elle gagnera en visibilité lorsque les agriculteurs verront leurs factures d'engrais exploser. J'ai fait les calculs pour mon exploitation et les résultats sont préoccupants.

Comme vous le savez, les agriculteurs européens ont toujours essayé de s'aligner sur les politiques d'orientation du marché de la Commission européenne afin de devenir plus compétitifs. Toutefois, à mesure que les options de notre boîte à outils se raréfient, la situation devient toujours plus complexe. Dans ce contexte, nous avons du mal à comprendre pourquoi l'UE est prête à accorder une protection supplémentaire à une poignée d'entreprises européennes d'engrais qui sont déjà fortement protégées par des droits d'importation. Les engrais représentent de loin notre coût de production le plus élevé, et les droits d'importation existants coûtent déjà un milliard d'euros par an aux agriculteurs européens.2. Nous payons déjà un prix supérieur à celui de nos concurrents, un prix qui a augmenté depuis le début de l'enquête commerciale en août dernier. Au second semestre 2018, les prix de l'UAN dans l'UE ont enregistré une hausse de 45 €/t par rapport aux prix pratiqués sur les marchés tiers. Des mesures antidumping définitives viendraient gonfler davantage les prix dans l'UE. Il convient à ce titre de rappeler que la structure du marché européen est telle que la demande en UAN ne peut être satisfaite et que l'UE restera un importatrice nette (environ 1,85 million de tonnes). La production européenne d'UAN ne représente que 7% du volume total des engrais azotés produits en Europe.

La Commission européenne, pour sa part, fait valoir que les producteurs pourraient se tourner à court terme vers d'autres formes d'engrais solides. En temps que producteur de grandes cultures dans le centre de la France, mon expérience est bien différente. Nous avons

  • L'UAN est un mélange d'urée et de nitrate d'ammonium en solution aqueuse utilisé comme engrais..
  • Rapport de l'IFPRI

investi dans des équipements pour stocker et pulvériser ce type spécifique d'engrais. L'UAN est très efficace et pourrait permettre de relever les défis de la durabilité. Il s'adapte également très bien aux outils et technologies d'agriculture de précision. Une application d'UAN sous la surface du sol au moment de la plantation de la betterave sucrière peut réduire la dose d'azote requise de 15% tout en augmentant la productivité de trois tonnes par hectare. Le passage aux engrais solides, tel que proposé par Bruxelles, constituerait un pas en arrière. Cela nécessiterait un surinvestissement et se traduirait par un doublement des équipements. Les fabricants d'engrais, en revanche, peuvent passer d'une forme d'engrais à une autre en fonction des débouchés commerciaux.

Aux dires de la Commission européenne, la mise en œuvre de mesures antidumping définitives sur les importations d'UAN aura un impact économique limité sur l'agriculture européenne dans son ensemble. Il faut toutefois savoir que tous les agriculteurs n'utilisent pas des engrais UAN. L'UAN est principalement utilisé par des agriculteurs spécialisés dans les céréales et les cultures arables, comme cela est mon cas. Une fois que l'on déduit tous les agriculteurs qui n'utilisent pas d'UAN, les experts ont calculé que les mesures antidumping sur l'UAN représenteraient une augmentation de 6 à 9% des coûts pour les agriculteurs, ce qui signifie que notre bénéfice final pourrait être réduit de plus de moitié ! Pour vous donner un ordre de grandeur, j'ai décidé de faire le calcul sur mon exploitation, en prenant mes résultats agricoles de 2018 et mes résultats nets. Si les mesures antidumping proposées par la Commission avaient été appliquées, mes coûts d'engrais auraient augmenté de 7 200 € alors que, dans le même temps, mon bénéfice aurait diminué de 37 %. En y réfléchissant, j'ai réalisé que cela pourrait représenter le coût de l'enseignement supérieur pour mes deux plus grands enfants.

J'estime que les mesures antidumping proposées, qui coûteront aux agriculteurs 2,8 milliards d'euros sur une période de cinq ans, sont à la fois disproportionnées et discriminatoires. Elles s'ajouteront en outre au droits d'importation déjà existants. C'est pourquoi, aux côtés de nos organisations représentatives et du Copa et de la Cogeca, nous avons demandé que cette enquête commerciale soit clôturée sans imposer de mesures antidumping définitives sur les importations d'UAN.

Cédric Benoist

Membre du Conseil d'administration de l'Association générale des producteurs de blé (AGPB)

- FIN -

Note aux éditeurs :

Cédric Benoist est producteur de grandes cultures de la région Centre Val de Loire (SCEA de la Gouetterie, Jouy-en-Pithiverais). Sur son exploitation de 160 hectares, Cédric Benoist s'est spécialisé dans la production de blé, d'orge, de pois et de betteraves sucrières. M. Benoist est également Président de l'association agricole locale (FDSEA45), membre du conseil d'administration de l'Association générale des producteurs de blé français (AGPB) et membre du groupe de travail « Céréales » du Copa et de la Cogeca . Pour plus d'informations sur sa situation, son utilisation d'UAN et l'impact des droits antidumping sur son revenu agricole net, veuillez télécharger la présentationsuivante.

Cet édito est également disponible en anglais sur le site internet du Copa-Cogeca. Pour de plus amples informations, veuillez contacter :

Jean-Baptiste Boucher

Dominique Dejonckheere

Directeur de la communication

Senior Policy Advisor

+32(0) 474 84 08 36

dominique.dejonckheere@copa-cogeca.eu

Jean-Baptiste.Boucher@copa-cogeca.eu

La Sté Copa - Cogeca a publié ce contenu, le 10 septembre 2019, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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