Berlin (awp/afp) - La croissance européenne semble avoir mieux résisté que prévu au cours de l'été à la crise de l'énergie et la guerre en Ukraine, selon plusieurs chiffres publiés vendredi, même si les risques de récession restent importants.

En France et en Espagne, le Produit intérieur brut (PIB) a progressé de 0,2%, après une hausse respectivement de 0,5% et 1,5% au trimestre précédent.

Mais la grosse surprise du jour est venue d'Allemagne, où le gouvernement s'attendait dès ce trimestre à un recul du PIB: l'activité de la première économie européenne a en fait progressé de 0,3%.

Un chiffre inattendu alors que le pays est l'un des plus touchés par la crise énergétique et l'inflation.

"Bluffant"

"C'est absolument bluffant. Tant d'indicateurs montrent que l'économie ralentit considérablement depuis des mois", s'est étonné Jens Oliver Niklash, analyste pour la banque LBBW.

En Espagne, l'activité économique a fait aussi mieux que prévu par la banque centrale nationale, qui tablait sur une progression du PIB de 0,1%.

Cette dynamique survient alors que l'ensemble des pays européens sont confrontés à des difficultés économiques liées notamment à la guerre en Ukraine, qui a entraîné une flambée de l'inflation et accru la crise énergétique.

La hausse des prix a atteint un niveau record de 9,9% sur un an en septembre en zone euro, selon la BCE.

Cette situation plombe l'industrie, secteur très gourmand en énergie.

En Allemagne, premier pays industriel européen, la production a chuté en août, de 0,8% sur un mois, après avoir stagné en juillet.

Comment expliquer ces résultats meilleurs que prévus?

L'effet post-Covid, qui a entraîné des dépenses exceptionnelles dès le printemps, après deux années de pandémie, semble avoir poussé ses derniers feux cet été, en pleine période de vacances.

En Allemagne, c'est ainsi "la consommation privée" qui a permis de limiter la casse, malgré l'inflation qui atteignait 10% sur un an en septembre, selon l'institut national de statistique Destatis.

Berlin soutient du reste massivement la demande. Le gouvernement a débloqué, ces derniers mois, plusieurs dizaines de milliards d'euros pour soulager les ménages face à la hausse des prix, via des chèques.

Du côté de l'Espagne, la "forte saison touristique" a également permis d'éviter la récession, selon la banque ING.

Récession

Mais cette résilience pourrait être de courte durée.

Avec des prix qui s'apprécient à une vitesse inédite depuis le milieu des années 1980, désormais, les ménages français "sentent durement la baisse de leur pouvoir d'achat", affirme Maxime Darmet, expert pour Allianz.

En outre, la hausse des taux d'intérêt en zone euro "a un impact croissant sur l'économie", abonde Fritzi Köhler-Geib, présidente de la banque publique d'investissement en Allemagne.

La BCE a relevé, pour la deuxième fois consécutive, ses taux d'une ampleur inédite de 0,75 point jeudi pour lutter contre l'inflation.

La présidente de l'institution, Christine Lagarde, a prévenu à cette occasion que la "probabilité d'une récession se profile beaucoup plus à l'horizon" en zone euro.

La BCE prévoit une croissance de seulement 0,9% l'an prochain, mais un scénario pessimiste table sur une récession de 1%.

En Allemagne, "la croissance surprise du troisième trimestre ne signifie pas que le scénario de la récession a changé", affirme Carsten Brzeski, analyste pour ING.

Le gouvernement allemand table lui sur une chute de 0,4% du PIB l'an prochain.

L'activité économique espagnole devrait de son côté "se contracter au quatrième trimestre", plombée par l'industrie manufacturière, selon ING.

Sur le long terme, de plus en plus d'industries réévaluent leur présence sur le continent. Le leader de la chimie BASF va ainsi réduire de "manière permanente" la voilure en Europe, a prévenu son PDG.

Le sidérurgiste Arcelor Mittal a fermé partiellement plusieurs de ses usines en Europe, et mis en chômage partiel la plupart de ses salariés sur le continent.

Lueur d'espoir : avoir atteint un sommet à plus de 300 euros le mégawattheure en août, le prix du gaz chute, mais reste à un niveau élevé, en hausse de 40% en moyenne par rapport à l'avant crise.

afp/jh