Washington (awp/afp) - La Banque centrale américaine s'apprête mercredi à relever une dernière fois les taux d'intérêt cette année mais la grande question est de savoir ce qu'elle fera l'année prochaine, au vu des nuages qui pointent à l'horizon.

Les économistes s'attendent à ce que le Comité monétaire rehausse les taux d'intérêt au jour le jour de 25 points de base, pour les situer entre 2,25% et 2,50%, à l'issue d'une réunion monétaire de deux jours mercredi.

Ce serait la quatrième hausse cette année et la neuvième depuis fin 2015 lorsque la Banque centrale est sortie de la politique monétaire à taux zéro qui a duré sept ans.

"Il y a de très grandes chances qu'ils relèvent les taux mercredi. L'économie va bien, l'inflation est sur sa cible, le marché de l'emploi est très dynamique", a justifié Ryan Sweet, économiste chez Moody's Analytics. La croissance a affiché 3,5% en rythme annuel au troisième trimestre.

Si l'on en croit les instruments financiers à terme mesurés par Bloomberg, les acteurs financiers sont sûrs à 77,3% que la Fed va encore relever le coût du crédit, un chiffre qui faiblit toutefois par rapport aux décisions monétaires précédentes.

Car des doutes sur l'allure de l'économie et la stratégie monétaire de la Fed secouent fortement les marchés depuis octobre.

La Banque centrale continue pour l'instant sur sa lancée car elle met des munitions de côté pour réagir en cas de ralentissement. Si l'économie devait trop marquer le pas à l'avenir, elle pourra rebaisser les taux, usant de sa principale arme monétaire pour soutenir l'activité.

"Dix ans après (la crise financière de 2008), n'est-il pas sensé de faire en sorte que les taux retrouvent un niveau normal ?", argumente Joel Naroff, économiste indépendant. "Oui, et c'est pourquoi la Fed relève les taux et doit continuer à le faire", ajoute-t-il.

Changement de ton

Mais à l'horizon, des nuages s'amoncèlent et Jerome Powell, le président de la Banque centrale, a récemment changé de ton, abandonnant le refrain qu'il répétait depuis des mois que des "hausses graduelles de taux" sont nécessaires.

La guerre commerciale lancée par Donald Trump et son lot de tarifs douaniers punitifs, la fin proche de l'impact des réductions d'impôts sur la consommation, l'extrême volatilité de la Bourse et surtout le ralentissement de la croissance à l'étranger vont peser sur la première économie mondiale.

"Je partage cette idée que les choses n'apparaissent pas aussi solides que ce qu'elles étaient il y a quelques mois, mais rien n'est sûr", a commenté pour l'AFP Alice Rivlin, ancienne vice-présidente de la Fed.

"L'effet euphorisant du sucre va opérer encore un peu mais d'ici le second semestre 2019, on risque d'avoir des hauts le coeur", promet pour sa part Ryan Sweet, évoquant l'impact des réductions d'impôts qui pourrait laisser la place à un ralentissement.

Mercredi Jerome Powell tiendra une conférence de presse très attendue. Surtout, de nouvelles prévisions économiques seront annoncées ainsi que des projections moyennes de hausses de taux. Jusqu'ici, la Fed envisageait trois hausses l'année prochaine.

Mi-novembre, M. Powell a semé le doute sur la trajectoire monétaire à venir en disant que les taux approchaient le niveau neutre optimal pour l'économie, ce qui a été interprété comme la possibilité d'une pause. Toutefois ce niveau neutre est difficile à évaluer, les économistes le jaugeant entre 2,5% et 3,5%.

"Les commentaires des membres de la Fed montrent qu'ils sont en train de repenser de façon significative l'allure des hausses", assure dans une note Oxford Economics qui prévoit désormais deux hausses de taux l'an prochain au lieu de trois.

Joseph Gagnon du Peterson Institute for International Economics en est moins persuadé: "je ne serais pas étonné s'il n'y avait pas de changement dans les projections de hausses".

"Personnellement, je crois qu'ils ont tous tort et que l'inflation va surgir l'année prochaine", justifiant la poursuite du resserrement monétaire, a affirmé cet économiste à l'AFP.

Quant à la Bourse de New York, qui a encore terminé en forte baisse vendredi, elle digère avec des hoquets quotidiens les tensions commerciales, le ralentissement de la croissance chinoise, le feuilleton du Brexit, les taux plus hauts qui freinent le marché immobilier et la perspective que la Fed veuille désormais en dire moins à l'avance sur ce qu'elle compte faire.

Jerome Powell entend en effet se détacher du message d'orientation monétaire dans le communiqué officiel qui, depuis la crise, rassurait les marchés en indiquant la voie suivie.

En échange, il s'est engagé à parler plus souvent en conférence de presse.

afp/rp