Londres (awp/afp) - Le pouvoir d'achat des Britanniques continue d'être écrasé par une inflation accélérée, d'après des données officielles publiées mercredi, une situation qui risque de durer avec le Brexit en toile de fond.

Entre juin et août, les salaires des Britanniques (primes comprises) ont baissé en termes réels de 0,3% sur un an, a annoncé l'Office des statistiques nationales (ONS). Les salaires nominaux ont certes augmenté de 2,2% sur un an, mais les prix ont grimpé plus vite pendant cette période.

Depuis plusieurs mois, la hausse des prix est dopée en effet par la dégringolade de la livre sterling à la suite de la décision des Britanniques de quitter l'UE lors du référendum du 23 juin 2016. Cette dépréciation renchérit les produits importés, ce qui pèse sur le portefeuille des ménages.

L'inflation a atteint 3% en septembre sur un an pour la première fois depuis avril 2012, a annoncé l'ONS mardi. La Banque d'Angleterre prévoit que ce taux devrait atteindre son pic en octobre ou novembre, avant de refluer.

Mais "l'écart entre l'inflation et la croissance des salaires devrait rester bien large pendant un moment", a prévenu James Smith, économiste chez ING, qui prévoit un impact négatif sur la consommation des ménages.

Certains économistes restent surpris du fait que les salaires ne soient pas davantage soutenus par la faiblesse du chômage, un facteur qui tend normalement à aider les salariés à obtenir de meilleures rémunérations.

Le chômage reste en effet à son plus faible niveau depuis 1975, à 4,3% entre juin et août.

- Passe d'armes au Parlement -

"Le chômage a beau être au plus bas, le Royaume-Uni a un problème persistant avec la croissance des salaires. Cela s'explique en bonne part par les +trois P+: productivité, payes du secteur public et pensions", a expliqué Laith Khalaf, analyste chez Hargreaves Lansdown.

Côté productivité, l'Office public de responsabilité budgétaire (OBR) a noté la semaine dernière qu'elle restait faible au Royaume-Uni. Il a souligné que les entreprises avaient ces dernières années eu tendance à embaucher davantage de salariés en profitant du faible coût du travail d'un côté, mais à réduire leurs investissements en capital de l'autre.

Les près de 5,5 millions de salariés du secteur public voient pour leur part leurs hausses de salaires limitées à 1% par an depuis 2013, en vertu d'une stricte discipline budgétaire fixée par le gouvernement conservateur - malgré l'introduction prévue d'une certaine souplesse pour les forces de sécurité.

D'après M. Khalaf, de nouvelles obligations fixées aux employeurs pour les retraites ont en outre réduit les fonds disponibles pour les salaires.

Le gouvernement reconnaît l'existence d'un problème mais juge faire beaucoup, entre réduction de l'impôt sur le revenu, gel des taxes sur l'essence, hausses du salaire minimum et des aides à la petite enfance.

Pas suffisant aux yeux du dirigeant du Parti Travailliste, Jeremy Corbyn, qui a défié avec véhémence la Première ministre conservatrice, Theresa May, à ce sujet mercredi à la Chambre des Communes. Le leader de la gauche a mis en avant le cas d'une employée de magasin, Christine, "qui n'a plus assez d'argent pour simplement payer l'essence de sa voiture".

"Une productivité toujours faible, combinée à une chute des salaires réels, sape les niveaux de vie" des Britanniques, a constaté aussi la principale organisation patronale, la CBI qui appelle le ministre des Finances à "agir" à l'occasion de la présentation du budget le 22 novembre.

Le gouvernement est déjà sous la pression de difficiles négociations avec Bruxelles sur le Brexit, et garde ouverte l'option d'une absence d'accord commercial entre le Royaume-Uni et l'UE.

Dans cette hypothèse qui imposerait un passage aux règles minimales de l'OMC entre Londres et Bruxelles, l'association Resolution Foundation a calculé que la hausse induite des produits alimentaires, des vêtements et des voitures amputerait de 260 livres en moyenne le budget des ménages, dont les moins riches seraient les plus touchés.

afp/rp