PORT-AU-PRINCE (Reuters) - Les Etats-Unis ont dit mercredi qu'ils demandaient au Premier ministre haïtien Ariel Henry d'accélérer la transition politique en Haïti, alors que des gangs armés cherchent à l'évincer et que la situation sécuritaire et la crise humanitaire empirent dans le pays.

Ariel Henry se trouve depuis mardi à Porto Rico, territoire américain, apparemment incapable ou peu désireux de retourner dans son pays après avoir effectué une visite au Kenya, lors de laquelle il a signé un accord de sécurité pour lutter contre la violence des gangs.

Un porte-parole du département d'Etat américain a déclaré que Washington ne poussait pas Ariel Henry à démissionner, mais qu'il souhaitait que le Premier ministre haïtien "accélère" la transition politique.

Les Etats-Unis ont également indiqué qu'ils n'aidaient pas Ariel Henry à rentrer en Haïti.

"Nous ne fournissons aucune assistance pour aider le Premier ministre à rentrer en Haïti", a déclaré Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison blanche.

Les gangs haïtiens ont prévenu que si Ariel Henry ne démissionnait pas de ses fonctions et qu'il continuait à bénéficier du soutien de la communauté internationale, une guerre civile pourrait éclater.

"Si Ariel Henry ne se démissionne pas, si la communauté internationale continue de le soutenir, alors ils nous conduiront directement à une guerre civile qui se terminera par un génocide", a déclaré mardi Jimmy Chérizier, un ancien officier de police devenu chef de gang, lors d'une conférence de presse.

PAS DE CONSENSUS

Ariel Henry, arrivé au pouvoir en 2021 après l'assassinat du président Jovenel Moïse, s'était précédemment engagé à quitter le pouvoir avant le début du mois de février. Il a par la suite affirmé que la sécurité devait d'abord être rétablie afin de garantir des élections libres et équitables.

Les dirigeants de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) ont rencontré trois jours durant des représentants du gouvernement haïtien et des personnalités de l'opposition des secteurs privé, civil et religieux, a déclaré le président de la CARICOM, Irfaan Ali, également président du Guyana.

Irfaan Ali a indiqué qu'il n'avait pas été possible de trouver "une quelconque forme de consensus" entre les principaux acteurs haïtiens, ajoutant qu'il était essentiel d'y parvenir, alors que des pays s'apprêtent à déployer des soldats en Haïti.

"Ils sont tous conscients du prix de l'échec", a-t-il dit. "Le fait qu'il y ait eu plus de morts en Haïti au début de cette année qu'en Ukraine doit faire réfléchir tout le monde."

UNE SITUATION PLUS QU'INTENABLE

Le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Turk, a appelé au "déploiement urgent et sans délai" de la mission de sécurité étrangère approuvée par le Conseil de sécurité de l'Onu en octobre, affirmant qu'il n'y avait pas d'alternative réaliste pour protéger les vies: "Cette situation est plus qu'intenable pour le peuple haïtien."

Près de 1.200 personnes ont été tuées et près de 700 autres blessées en Haïti depuis le début de l'année, selon les Nations unies. Quelque 360.000 personnes ont également été déplacées dans le pays.

Des viols et des actes de torture ont été signalés et l'accès aux produits de première nécessité et aux services de base a été bloqué.

"Chaque jour qui passe apporte de nouvelles privations et de nouvelles horreurs", a déclaré Catherine Russell, directrice de l'UNICEF.

Une association d'hôpitaux privés a déclaré mercredi qu'en raison du conflit, de nombreux hôpitaux avaient été victimes d'attaques violentes et étaient confrontés à de graves pénuries, notamment de carburant et d'oxygène.

Le Conseil de sécurité de l'Onu se réunit à huis clos mercredi pour discuter de la situation en Haïti.

(Reportage Harold Isaac et Steven Aristil à Port-au-Prince, Sarah Morland à Mexico, Ricardo Aruengo, Ivelisse Rivera et Julio-Cesar Chavez à San Juan, Roberston S. Henry à Kingstown, Gabrielle Tetrault-Farber à Genève, Rami Ayyub et Humeyra Pamuk à Washington et Michelle Nichols aux Nations unies; version française Camille Raynaud)

par Steven Aristil et Sarah Morland