Le transport routier est en effet une source significative de pollution et connaît par conséquent un resserrement règlementaire de plus en plus soutenu. Il est d’ailleurs la principale source d’émission de NOx (ensemble des oxydes d’azote) en Europe. Le NO2 (substance irritante et potentiellement mortelle) a été recensé par Airparif en 2018 dans une concentration moyenne (annuelle) de 87 µg/m³ d’air au niveau de la porte d’Auteuil. Rappelons que l’OMS recommande de ne pas dépasser une moyenne annuelle supérieure à 40 µg/m³ d’air. Les NOx font donc parties des substances réglementées par les normes Euro (normes européennes portant sur les émissions polluantes des véhicules neufs).

Mais la règlementation ne s’arrête pas là. Le CO2 fait lui aussi l’objet de restrictions fixées par la commission européenne. Les 95% des véhicules les moins polluants produits par les constructeurs automobiles (100% à partir de 2021) sont évalués et tout dépassement entraîne une sanction, de 95€ par g/Km à l'encontre du constructeur. La limite était fixée à 130g/km depuis 2012 et passera à 95g/km en 2021. Or, en 2018 la moyenne d’émission de l’ensemble des véhicules neufs était de 120g/Km (contre 118 en 2016). Ce qui représente une pénalité moyenne de 2 375€ par véhicule neuf. Une somme assez conséquente lorsque l’on sait que les marges du secteur automobiles se situent entre 5% et 10% et que selon l’Argus, le prix moyen des véhicules neufs en 2018 était de 26 035€.

La commission européenne permettra néanmoins un delta en fonction de la taille des véhicules notamment :

Source : icct

Les constructeurs automobiles font donc face à un bouleversement structurel de leur modèle économique. En effet, les solutions qui s’offraient jusqu'à présent à eux par l’amélioration des systèmes de recyclage des gaz d’échappements, la réduction de la taille des moteurs ou encore l’hybridation ne suffiront plus à répondre aux exigences règlementaires.

Ce resserrement a poussé certains constructeurs à développer des systèmes "alternatifs" afin d'adapter leurs véhicules aux tests de pollution (Cf. Dieselgate). Une réponse cynique et inexcusable à une problématique lourde de conséquences.

La fée électricité

A court terme, la solution la plus séduisante semble être le moteur électrique. En effet, la technologie existe déjà et l'infrastructure nécessaire (les bornes de recharges) se met progressivement en place. En parallèle, des politiques publiques incitatives, par le biais des bonus, contribuent à en réduire le coût à l'achat.

Mais, on en oublie souvent les principaux inconvénients. Tout d'abord, les véhicules électriques ne sont "écologiques" que si la centrale qui a produit l'énergie l'est. Ainsi, en Pologne où 58% de l'électricité est produite à partir de charbon, l'empreinte écologique de la voiture électrique n'est pas très encourageante. En France, grâce à l'énergie nucléaire qui représente près de 67% du parc électrique, le bilan carbone est certes plus positif, mais entraîne la production de nombreux déchets radioactifs, qui posent de sérieux problèmes de traitement et de stockage à très long terme. Cette pollution "indirecte" est d'autant plus importante qu'en France, le ratio énergie primaire/énergie finale est estimé à 2,58. Cela signifie que pour utiliser 1KWh, il faut en produire 2,58. Ce ratio est dû à différents facteurs de pertes comme l'acheminement de l'énergie via le réseau électrique ou encore le rendement énergétique des différentes sources d'approvisionnement.

La batterie constitue un autre inconvénient majeur et cause de nombreux débats. Elle nécessite l'extraction de lithium ou de cobalt. Ces matériaux plus ou moins nocifs représentent un risque sanitaire pour les travailleurs de ces exploitations… Les conditions de travail des enfants dans les mines de cobalt en République Démocratique du Congo (qui représente un peu plus de 60% des ressources mondiales) sont d'ailleurs régulièrement dénoncées par Amnesty International. D'autre part, le recyclage de ces matériaux n'est pas très compétitif en comparaison de la main d'œuvre de ces pays miniers. Donc la filière ne se développe pas.

Enfin, le réseau électrique est un autre problème de taille. En effet, une borne de recharge nécessite 3,7 à 22 KW (si elle dispose de la charge rapide ou non) et l'on compte environ 39 millions de véhicules en France. Par conséquent, si la totalité du parc automobile était remplacée par des véhicules électriques et que tous les Français mettaient leurs voitures en charge au même moment (disons entre 18 et 20 heures, après une journée de travail), on assisterait à une demande en énergie comprise entre 39M x 3.7 = 144 300 000 et 39M x 22 = 858 000 000 KW. Or, le pic de consommation électrique en France, 102 000 000 KW, avait déjà provoqué des remous sur le réseau et l'obligation d'importer de l'énergie de pays frontaliers. Par conséquent, le passage au tout électrique n'est pas pour demain…

A plus long terme, une solution alternative semble palier certains de ces problèmes : le moteur hydrogène.

Focus sur l'hydrogène

L'hydrogène compose environ 80% de l'Univers. Des projets d'utilisation comme combustible avaient ainsi vu le jour au début des années 2000 avec Mazda ou encore BMW. Mais la vraie avancée réside dans son utilisation via la pile à combustible. Celle-ci permet, via un processus d'oxydation (grâce à l'oxygène contenue dans l'air), de produire de l'électricité qui vient alimenter un moteur similaire à ceux des voitures électriques. Ainsi, le mélange H2 et O2 ne rejette que de l'H2O. Autrement dit de l'eau (et un peu d'azote contenue naturellement dans l'air).

La pile à combustible ne date pas d'hier. Elle a en effet été découverte en 1839 par Christian Schönbein. Mais son utilisation dans l'industrie automobile est très récente. Hyundai a ainsi été le premier constructeur au monde à équiper une pile à combustible sur un véhicule de série : le IX35. Il est d'ailleurs utilisé par la société de taxi Hype Taxi. Hyundai a depuis développé le Nexo, Toyota la Mirai et Honda la FCX Clarity et la Clarity FuelCell.

La voiture à hydrogène présente donc les mêmes avantages que la voiture électrique classique, mais sans l'inconvénient de devoir recharger une batterie. En effet, celle-ci se recharge de la même manière que les voitures thermiques classiques dans des stations spéciales hydrogènes. De l'hydrogène compressé est ainsi envoyé dans le réservoir de la voiture pour un plein réalisé en 5min. En moyenne 1Kg d'hydrogène permet une autonomie de 100Km. Sa grande autonomie pourrait donc permettre à l'hydrogène de trouver sa place dans l'industrie du poids lourds.

Le moteur à hydrogène offre donc une meilleure autonomie que le moteur thermique tout en ne rejetant que de l'eau. Cette solution semble intéressante, mais quelques points restent à améliorer :

Les stations de recharge

Même si elles tendent à se développer (une carte des stations est mise à disposition par l'AFHYPAC ici), elles ne sont encore que très peu nombreuses. Certains acteurs comme Air Liquide, Total, Avia, etc. tentent néanmoins de créer une infrastructure hydrogène en s'intéressant principalement à une cible de professionnels telle que les taxis ou les bus. Vient ensuite le problème d'approvisionnement de ces stations

La source d'hydrogène

Comme nous l'avons vu, l'hydrogène est présent abondamment dans notre univers. Le problème est qu'il n'est pas accessible à l'état naturel sur Terre… Il est par conséquent produit à 95% par vaporeformage. L'inconvénient de ce processus est la nécessité d'hydrocarbure et la production massive de CO2 (10Kg par Kg d'hydrogène produit). C'est ainsi que d'autres méthodes plus respectueuses de l'environnement ont vu le jour. L'électrolyse alcaline, haute température ou par membrane à échange de proton (PEM), permettent grâce à un courant électrique, de scinder l'eau (H2O) en dihydrogène (H2) et dioxygène (O2). Par conséquent, certaines stations d'hydrogène produisent leur carburant sur place. De plus, les électrolyseurs PEM présentent l'avantage de bien fonctionner malgré des variations de tension. Ils sont ainsi bien adaptés à un couplage avec une source d'énergie renouvelable telle que le solaire ou l'éolien. C'est de cette manière qu'est né en 2014 le projet H2BER. Issu d'un partenariat entre McPhy Energy, Total et Linde, il s'agit d'une station hydrogène (à proximité de l'aéroport de Berlin) 100% autonome dont les électrolyseurs sont alimentés par un parc éolien.

Cette solution est d'autant plus avantageuse que la production d'énergie renouvelable dépend fortement des conditions météorologiques. Ainsi, lors des pics de production, le surplus d'énergie est perdu (n'oublions pas non-plus le coefficient de 2,58 entre énergie primaire et énergie finale). La production d'hydrogène par électrolyse pourrait ainsi permettre de stocker et transporter la production d'énergie renouvelable tout en en limitant la perte. McPhy Energy a par ailleurs développé un processus permettant le stockage de 600 litres d'hydrogène dans une petite galette de magnésium de 30cm de diamètre par 1cm d'épaisseur.

Le prix

Il s'agit du principal frein au développement de cette technologie. En effet, le prix d'une voiture hydrogène se situe autour de 70 000€ et le coût de production d'une hydrogène "verte" reste relativement élevé. Il dépend pour l'instant en grande partie de la R&D. Par conséquent, la stratégie développée par les industriels s'adresse principalement à des flottes de professionnels afin de développer une infrastructure de base et réduire les coûts grâce à des volumes plus importants. Pour, à terme, pouvoir proposer une solution plus abordable et plus pratique au grand public. De plus, les avancées technologiques concernant l'électrolyse haute température notamment permettent d'obtenir des rendements de plus en plus intéressants.

Enfin, l'utilisation grandissante de cette solution dans divers domaines pourrait permettre d'en réduire le coût.

Les piles à combustibles, ainsi que les électrolyseurs trouvent leurs utilités dans de nombreux secteurs. Dans l'industrie du transport, mais pas uniquement dans l'automobile. En effet, Air Liquide a par exemple participé à la production d'un bateau à hydrogène totalement autonome avec une électrolyse réalisée grâce à l'énergie solaire. Par ailleurs, en France une partie du réseau ferré n'est toujours pas électrifiée. C'est ainsi qu'en 2017, sur les 8 753 locomotives en circulation, 1 872 sont équipés d'un moteur diesel (Source : SDES). Alstom a développé un train à hydrogène à cet effet. Celui-ci déjà en circulation en Allemagne devrait prochainement rejoindre nos rails. Guillaume Pepy (président de la SNCF) a en effet annoncé qu'une quinzaine de ces trains serait commandée. L'objectif étant à terme, de remplacer la totalité des trains diesels. Les sous-marins sont aussi équipés d'électrolyseurs. La société Proton OneSite (filiale du groupe Nel) avait d'ailleurs fourni la marine française, britannique et américaine en électrolyseurs qui sont en fait utilisés pour produire de l'oxygène. L'industrie spatiale utilise aussi la pile à combustible depuis de nombreuses années et des acteurs tels que Boeing ou la Nasa ont développé des systèmes réversibles (SOEC/SOFC) qui permettent de palier à la volatilité des sources d'énergies renouvelables.

L'hydrogène qui n'est pour l'instant pas encore démocratisé semble donc être une solution viable qui intéresse de plus en plus les groupes industriels. Alors est-ce l'avenir de la mobilité ? En attendant, voici une sélection de 10 valeurs positionnées sur différents segments du marché de l'hydrogène. Une liste plus exhaustive sera bientôt disponible dans notre sélection d'indices personnalisés.

 

Entreprise

Activités liées à l'hydrogène

Air Liquide

Production d'hydrogène dont 50% sans CO2

Alstom

Train à hydrogène, bus à hydrogène

Ballard Power Systems Inc.

Piles à combustible PEM

Cell Impact AB

Production des plaques composant les piles à combustible et les électrolyseurs

FuelCell Energy

Production et exploitation de piles à combustible

Hyundai

Véhicules à hydrogène

Johnson Matthey

Reformage à faible émission par catalyse

McPhy Energy

Equipements de production et de stockage d'hydrogène

Nel

Electrolyseurs

PowerCell Sweden AB

Piles à combustible et partenariat avec Bosch pour la distribution automobile