* L'achat de missiles russes a tendu les relations entre la Turquie et les Etats-Unis, alliés au sein de l'Otan

* Erdogan entend aussi évoquer avec Trump la question du Nord-Est syrien, où les rebelles kurdes sont soutenus par Washington

* Le président turc évoque enfin la question des Syriens réfugiés dans son pays

* "Si vous n'acceptez pas ce marché, nous ouvrirons les portes", prévient-il (Actualisé)

par Samia Nakhoul, Orhan Coskun et Dominic Evans

ISTANBUL, 13 septembre (Reuters) - Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est dit confiant vendredi dans sa capacité à surmonter la crise qui l'oppose à son allié américain depuis l'achat par la Turquie de missiles russes.

Dans une interview accordée à l'agence Reuters, le chef d'Etat turc indique qu'il veut aussi évoquer avec Donald Trump la question du Nord-Est syrien, où les rebelles kurdes considérés comme des terroristes par Ankara sont soutenus par Washington.

La question des millions de Syriens réfugiés sur le territoire turc depuis 2011 figure également au programme de ses rencontres prévues à New York en marge de l'Assemblée générale annuelle des Nations unies, qui s'ouvre la semaine prochaine https://www.un.org/fr/ga/74/meetings.

L'achat de missiles russes S-400 en juillet dernier par la Turquie a tendu un peu plus les relations entre Ankara et Washington. Et le département américain d'Etat a annoncé qu'une proposition de vente de missiles Patriot, fabriqués par l'entreprise américaine Raytheon, n'était plus d'actualité.

La Turquie occupe le flanc oriental de l'Otan, et les systèmes de missiles russes ne sont pas compatibles avec ceux de l'Alliance atlantique.

Mais Erdogan a indiqué à Reuters avoir discuté avec Trump du contrat Patriot lors d'un entretien téléphonique il y a deux semaines.

"J'ai dit que quel que soit le 'package' de S-400 que nous recevrons, nous pourrons vous acheter un certain nombre de Patriots. Mais j'ai dit que nous devions obtenir des conditions égalant au moins celles des S-400. Il m'a dit: 'Etes-vous sérieux ?', j'ai répondu 'Oui'", a rapporté Erdogan, ajoutant qu'ils approfondiraient ce dossier lors de leur rencontre à New York.

"TRUMP DOIT NOUS COMPRENDRE"

L'entretien avec Trump portera aussi, a poursuivi Erdogan, sur le projet d'implantation de ce que la Turquie présente comme une "zone tampon" le long des 450 km de frontière allant de l'Euphrate à la frontière irakienne qui sépare la Turquie du nord-est de la Syrie.

La région est contrôlée par les rebelles kurdes syriens des YPG, que les Etats-Unis soutiennent et que la Turquie considère comme une entité terroriste alliée aux séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

"Ce couloir de paix est une chose essentielle", souligne-t-il. "Nous ne tolérerons pas un couloir de la terreur à nos frontières et nous prendrons toutes les mesures nécessaires à ce sujet."

Les armées turque et américaine ont lancé dimanche dernier des patrouilles conjointes dans le secteur.

Mais Erdogan reproche à Washington de traîner des pieds.

"C'est la Turquie qui combat ces groupes terroristes. Vous êtes nos partenaires au sein de l'Otan. Vous leur livrez gratuitement des armes que vous ne vendriez pas à votre allié de l'Otan", dit-il à l'adresse directe de l'administration américaine, qui arme les combattants YPG.

"Nous en avons assez de devoir expliquer cela. Je pense que Trump doit nous comprendre."

Quant à la question des 3,6 millions de réfugiés syriens accueillis par la Turquie depuis 2011, Erdogan le réaffirme: son pays n'aura d'autres choix que de les laisser partir pour l'Europe si les nations occidentales ne lui apportent pas une aide accrue et ne soutiennent pas le projet de "zone sûre" à l'intérieur des frontières syriennes où ces réfugiés pourraient se réinstaller.

"Si vous n'acceptez pas ce marché, nous ouvrirons les portes. Nous les laisserons partir où ils veulent", prévient-il.

La Turquie affirme avoir dépensé 40 milliards de dollars pour l'accueil des réfugiés syriens et ajoute que les six milliards d'euros promis par l'UE sont insuffisants et débloqués trop lentement. (Henri-Pierre André pour le service français)