Lugano (awp) - L'économie tessinoise va vraisemblablement profiter plus que le reste de la Suisse de l'embellie conjoncturelle observée en Italie. "Avoir comme principal partenaire commercial l'Italie a longtemps été un désavantage pour le canton", estime Sara Carnazzi, responsable analyse sectorielle et régionale de Credit Suisse, dans un entretien à AWP en marge d'une conférence à Lugano.

En raison des crises à répétition, la dynamique de la demande italienne est restée en retrait des autres moteurs de croissance européens. "Aujourd'hui, on peut voir que la reprise économique s'est étendue à différents pays du sud de l'Europe, parmi lesquels l'Italie, et l'évolution des derniers trimestres laisse présager que la tendance va se poursuivre", note l'experte.

Entre avril et juin, l'Italie a vu son produit intérieur brut (PIB) progresser de 1,5% sur un an, son rythme le plus soutenu depuis 2011. Sur les six premiers mois de l'année, la croissance s'est inscrite à 1,2%, surpassant les prévisions du gouvernement, de la Commission européenne et du Fonds monétaire international.

Le voisin italien est le principal débouché (20,9%) des exportations tessinoises, devant l'Allemagne (14,2%) et les Etats-Unis (11,4%), selon les chiffres publiés en août par l'Institut de recherches économiques (IRE) de l'Université de Suisse italienne.

La balance commerciale du canton italophone fait état d'un solde négatif de 619 mio CHF au 2e trimestre et d'une baisse de 2% sur un an des exportations à 1,46 mrd CHF. A eux seuls, l'industrie des machines et de l'électronique, ainsi que les secteur chimique et pharmaceutique, représentent près de la moitié des exportations cantonales.

Selon Mme Carnazzi, le Tessin connaît à l'instar du pays une partition toujours plus marquée entre les secteurs à vocation internationale, comme l'industrie pharmaceutique et le négoce de matières premières qui ont vu leur productivité bondir de plus de 40%, et ceux orientés vers le marché intérieur dont la productivité a quasiment stagné ces 20 dernières années.

FRONTALIERS PROFITABLES

L'experte de Credit Suisse assure que l'économie tessinoise "tire clairement profit" des travailleurs frontaliers. La réserve de main d'oeuvre à laquelle les entreprises ont accès est de plus en plus qualifiée et permet de palier à la pénurie de personnel spécialisé.

Dans une étude sur les petites et moyennes entreprises (PME) publiée fin août, Credit Suisse avait signalé que près de deux entreprises sur trois (64%) en Suisse centrale et orientale avaient de la difficulté à embaucher les bons candidats, contre à peine 40% dans le canton italophone.

Revenant sur la question de la sous-enchère salariale, Mme Carnazzi reconnaît que le marché du travail est "plus tendu" au Tessin que dans les autres régions, y compris frontalières.

"L'écart entre les salaires suisses et italiens est plus important que celui qui existe par rapport à l'Allemagne ou la France", ce qui rend le travail en Suisse d'autant plus intéressant pour les personnes résidant de l'autre côté de la frontière et se traduit par une pression sur le marché du travail.

"Si on observe l'évolution du chômage, le Tessin se trouve actuellement au niveau de la moyenne nationale". En août, le taux de chômage s'est inscrit à 3,1%, contre 3,0 de moyenne nationale. Si l'économie n'avait pas été en mesure d'absorber cette main d'oeuvre supplémentaire, le nombre de personnes sans emploi au sud des Alpes serait sensiblement supérieur. "Or ce n'est pas les cas", conclut l'économiste.

Le marché immobilier au sud des Alpes devrait bénéficier de la mise en service l'année dernière du tunnel de base du Gothard. "On peut s'attendre à des impulsions supplémentaires dues à Alptransit, notamment pour la région de Bellinzone".

Cette dernière a déjà connu une forte poussée en termes de construction de logements, avec pour corollaire une hausse du taux de vacance, qui devrait toutefois se résorber avec la probable hausse de la demande.

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