Washington (awp/afp) - Changement de ton à la banque centrale américaine (Fed): son président Jerome Powell ne veut plus qualifier l'inflation aux États-Unis de "temporaire", comme il le faisait depuis que les prix ont commencé à grimper. Désormai le patron de la Réserve fédérale estime que la phase de renchérissement risque de durer bien plus que prévu.

"Le moment est probablement venu de ne plus utiliser ce mot", a estimé M. Powell devant la commission bancaire du Sénat mardi, soulignant que "les risques d'une inflation plus persistante s'étaient accrus". La hausse des prix est aux États-Unis au plus haut depuis 31 ans, et cette situation inquiète désormais l'administration Biden.

La Fed s'attend à ce que les "pressions inflationnistes se maintiennent pendant une bonne partie de l'année prochaine (et...) diminuent au cours du second semestre" 2022, a détaillé M. Powell, que Joe Biden vient de renommer pour un second mandat de quatre ans à la tête de la Fed. Comme nombre d'économistes, la puissante Réserve fédérale américaine anticipait initialement une modération progressive de l'inflation, à mesure que la chaîne d'approvisionnement mondiale se remettrait en route.

Mais les mois passent, et les difficultés persistent. Les contaminations au Covid contraignent toujours les entreprises à des fermetures temporaires, les pénuries de matériaux ralentissent la production, et le personnel manque, tant dans les usines que dans la logistique. Les responsables de l'institution monétaire ont commencé au cours de l'été à nuancer leur discours, prenant acte d'une hausse des prix plus tenace qu'anticipé dans certains secteurs.

Grosses contraintes d'approvisionnement

"Je vais vous dire ce qui nous a échappé, selon moi", a indiqué M. Powell aux sénateurs, c'est "l'énorme quantité de problèmes d'approvisionnement que nous avons eus avec les semi-conducteurs, le bois d'oeuvre et toutes ces choses". La demande, forte, "s'est heurtée à (...) ces contraintes d'approvisionnement", a souligné Jerome Powell, mettant en avant le côté inédit de cette situation, "il n'y a pas de précédent à cela", a-t-il ajouté.

Carburants, matériaux de construction, produits d'hygiène ou encore produits alimentaires coûtent désormais plus cher aux Américains. Joe Biden a même assuré que la lutte contre l'inflation est désormais une de ses priorités. La Fed entend bien, elle aussi, ne pas laisser les prix continuer à grimper. Elle s'est dit prête à utiliser ses outils, c'est-à-dire, notamment, relever les taux directeurs, ce qui a pour effet de faire augmenter les taux d'intérêt et donc ralentir la consommation.

Mais pour cela, elle doit, au préalable, avoir ramené à zéro ses achats d'actifs, qui s'élevaient, jusqu'à présent à 120 milliards de dollars par mois. Le mouvement de réduction a été annoncé lors de la dernière réunion, début novembre, et amorcé dans la foulée, à un rythme envisagé qui aurait mené jusqu'en juin.

Cela pourrait cependant aller plus vite que prévu: "à ce stade, l'économie est très forte et les pressions inflationnistes sont élevées et il est donc approprié, à mon avis, d'envisager de conclure quelques mois plus tôt (que prévu) la réduction de nos achats d'actifs", a détaillé Jerome Powell. Dans le contexte inédit du Covid-19, la banque centrale avait jusqu'ici maintenu son soutien à l'économie, en dépit de l'inflation, pour ne pas risquer de pénaliser le redressement du marché de l'emploi.

Omicron pour compliquer la tâche

Mais l'émergence il y a quelques jours d'un nouveau variant du Covid-19, Omicron, pourrait encore compliquer la tâche de la Fed, en accentuant à la fois les pressions inflationnistes et pesant sur l'emploi et l'activité économique. La prochaine réunion du Comité monétaire de la Fed est prévue les 14 et 15 décembre. "Nous aurons alors de plus amples données et nous en saurons davantage sur le nouveau variant", a souligné le président de la Fed.

"Pour le moment, c'est un risque, ça n'a pas vraiment été pris en compte dans nos prévisions", a-t-il détaillé.

afp/vj